La « gauche des allocs » ou le mythe du pauvre paresseux / Chauffage : les plus aisés font le moins d’efforts

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« Gauche des allocs » : quand le Parti communiste entretient le mythe de la paresse des pauvres

L’un de mes sociologues préférés, Serge Paugam a publié un article qui est une belle mise au point argumentée sur le sujet des allocations sociales.  « En opposant la « gauche des allocs » à la « gauche du travail », Fabien Roussel a pour le moins surpris la classe politique, aussi bien de droite que de gauche » écrit-il.  « La droite et l’extrême droite ne s’attendaient sans doute pas à voir le secrétaire national du PCF marcher sur leurs plates-bandes en reprenant, sous une formulation voisine, la sempiternelle dénonciation de l’assistanat ».

Le sociologue tente de dénouer des amalgames utilisés par les discours « populistes ». L’expression « allocs » inclut aussi bien les revenus de l’assistance et des minima sociaux versés au titre de la solidarité nationale que les revenus l’assurance, c’est-à-dire issus des cotisations salariales. En englobant ces deux sources distinctes de revenus, c’est tout le socle de la protection sociale française qui est visé : aussi bien les indemnités chômage, les allocations familiales, les congés maladie que les minima sociaux. Ceux qui en bénéficieraient s’opposeraient ainsi à celles et ceux qui travailleraient. Ce qui est faux évidemment.

Cette expression est également dangereuse, car elle laisse entendre qu’il y aurait dans notre pays une catégorie d’assistés heureux, ayant délibérément choisi de vivre aux crochets des autres et de la collectivité. La gauche, par le soutien qu’elle entend apporter aux plus démunis, encouragerait cette catégorie d’oisifs invétérés, prompte à profiter du système. Et là aussi sont culpabilisés celles et ceux qui bénéficient de la solidarité nationale. Or, précise Serge Paugam, le pauvre heureux n’existe pas. Il y a les allocataires de minima sociaux qui, à la longue, après avoir accumulé de nombreuses difficultés, rationalisent leur dépendance à l’égard des services sociaux. On ne peut leur reprocher cela.

Le discours sur la « gauche des allocs » occulte par ailleurs la réalité du marché du travail aux franges de l’assistance. La frontière entre le travail et l’assistance est devenue poreuse du fait de la multiplication des emplois précaires qui ne permettent pas toujours à celles et ceux qui les exercent d’éviter la pauvreté. Les recherches internationales sur l’expérience du chômage en Europe montrent qu’un haut niveau d’indemnisation permet aux chômeurs de ne pas tomber subitement dans la pauvreté et de mieux se préparer à retrouver une vie professionnelle. Or aujourd’hui nos dirigeants se préparent à exclure des milliers de demandeurs d’emploi de l’indemnisation chômage, ce qui aura pour effet de les faire rapidement tomber dans la pauvreté. (lire l’article de l’Obs)

 


Chauffage, les plus aisés sont aussi ceux qui réalisent le moins d’économies d’énergie

Est ce vraiment la peine de demander aux plus modestes de se restreindre pour faire des économies d’énergie ? Non, car ils le font déjà et n’ont pas attendu les consignes gouvernementales pour agir en vue de diminuer leurs factures. On sait maintenant grâce à Dorothée Charlier, qui est maîtresse de conférences en économie de l’énergie et de l’environnement à l’Université Savoie Mont Blanc que ce sont les ménages les plus aisés qui sont ceux qui réalisent le moins d’économies d’énergie. C’est sommes toutes assez logique mais cela donne à réfléchir en matière de sobriété.

La sobriété contrainte serait-elle plus efficace que la sobriété choisie ? Après avoir rappelé que « 10% des plus fortunés sont responsables de 48% de toutes les émissions de gaz à effet de serre mondiales, tandis que les 50% les plus pauvres ne sont responsables que de 12% au total. », l’auteure nous explique que des études ont montré qu’une préférence déclarée pour le confort thermique pouvait se traduire par une hausse de la consommation d’énergie entre 8% et 10% selon les différentes estimations. Le niveau de revenu serait ainsi un indicateur pour évaluer un niveau spécifique de confort et de taux d’équipement.

Ceux qui déclarent préférer le confort thermique plutôt que de réaliser des économies d’énergie gagnent 7 965 euros de plus par an que la moyenne des ménages. Les ménages qui se chauffent à moins de 19 °C en hiver, sont plus des trois quarts à déclarer se restreindre économiquement. Bref, c’est surtout l’isolation des logements « passoires thermiques » qui est nécessaire et non les discours moralisateurs qui s’adressent à une population qui fait déjà attention. Quant aux riches, ils ne se sentent malheureusement pas encore concernés puisqu’ils peuvent payer (lire l’article de The Conversation)

 


Vite dit, vite écrit…

 

  • Le travail social à la peine, faute d’effectifs | Corse Matin (l’article de l’AFP donne aussi la parole aux employeurs – Nexem qui annonce qu’au moins 50.000 postes sont vacants, ainsi qu’à Manuel Pélissié, directeur de l’institut régional de formation en travail social (IRTS) Parmentier à Paris. Il indique qu’au moins 10% des étudiants abandonnent leurs études avant même d’entrer dans la profession).

 

 

  • Un couple au chômage après avoir été au Smic gagne-t-il plus qu’un couple travaillant au smic, comme l’affirme LCI ? | Libération (c’est faux bien évidemment. Il a suffi à la chaine de présenter une infographie inexacte : elle gonfle largement les revenus du couple au chômage en y intégrant le versement de 688 euros de RSA. Comme le confirme la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) contactée par CheckNews, le montant des allocations-chômage (ARE) perçu par le couple (deux fois 912 euros) ne leur permet pas de recevoir en plus le RSA. au final, «le couple au Smic gagne 3.158 euros par mois [dont 500 euros de prime d’activité], les 2 chômeurs 1.914 euros par mois».)

 

 

 

Vous êtes allé(e) au bout de cette revue de presse ? Bravo et merci ! Merci aussi à Michelle Flandre qui m’a aidé à la réaliser

Photo créé par wayhomestudio – fr.freepik.com

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2 réponses

  1. Tout a été dit, il y a des personnes qui ont réellement besoin de ces allocations, il y en a qui devraient être en mode tremplin, mais se sont éternisées, cette deuxième catégorie reste ouverte à un accompagnement.
    Enfin, les autres font partie de celles et ceux qui ont complètement perdu l’envie de se lever le matin pour aller travailler et qui savent que quoi qu’il arrive il y aura des aides.

  2. « Chauffage, les plus aisés sont aussi qui réalisent le moins d’économies d’énergie ». Oui c’est avéré, et s’explique d’autant mieux que plus on a les moyens, plus on occupe un grand logement, et plus on a de chances de posséder une résidence secondaire (voir les études sur le nombre de résidences secondaires en France, et à qui elles appartiennent).
    On peut aussi ajouter que plus on a les moyens, plus on roule en gros SUV (hier ma voiture était garée entre un Porsche Cayenne et une Audi Q7….); plus on a les moyens et plus on prends souvent l’avion; plus on joue au Golf, etc…. Toutes choses que ne peuvent pas faire les familles pour lesquelles la fin du mois sonne à partir du 15!
    La question se pose alors, qu’est ce que les gens qui disposent de 10 000€ chaque mois vont faire de leur argent? Où vont aller toutes ces sommes non-dépensées dans une consommation débridée? Supposons une famille à 10 000€ par mois vivant comme une famille au Smic. Chaque mois l’excédent sera t’il thésaurisé? Ou « investi », et ainsi accroitra encore des ressources plus que suffisantes pour vivre décemment?
    La question est peut être alors une autre répartition des ressources, et nous comprenons mieux la liaison qu’opèrent tous les écologistes entre lutte contre les Inégalités et adaptation au changement climatique. N’en déplaise à ceux qui amalgament allocs et revenus sociaux, il faudra bien ouvrir pour la énième fois la réflexion sur le Revenu de base (ou Revenu Minimum Social Garanti, ou Revenu Universel, etc…).

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