Jean Marie Vauchez a annoncé le 31 décembre dernier la dissolution de l’ONES qu’il préside depuis son lancement. Il se veut toutefois à la fois lucide et optimiste. Lucide en analysant les raisons de cette dissolution et optimiste car précise-t-il cette dissolution est un appel à inventer de nouvelles formes de rencontres et d’échanges, peut être plus en phase avec notre époque. A nous de les inventer… dit-il.
La crise COVID est passée par là : « Maintenant ce n’est plus tenable »
La pandémie a bien enkysté la vie associative. « Mais pour être clair, la forme associative n’a jamais réellement pris et nous étions déjà bien dans le pétrin avant la crise de la COVID, mais maintenant, ce n’est plus tenable » dit-il. « Nous n’arrivons plus à organiser d’AG depuis longtemps et la vie associative est au point mort. En plus de la crise sanitaire, Jean-Marie Vauchez voit plusieurs raisons à cette difficulté.
1ère raison : Le métier d’éducateur spécialisé est incroyablement morcelé.
Une fois qu’on est embauché depuis un an ou deux, on perd assez rapidement de vue l’incroyable diversité de notre secteur qui offre des pratiques et des environnements institutionnels extrêmement diversifiés, au point qu’il est parfois même difficile d’échanger entre nous ou de trouver des consensus. Nous avons souvent expérimenté ces écarts, et Jean-Marie Vauchez se souvient d’un échange entre un collègue, référent ASE avec un autre éducateur en FAM très emblématique. Pour le premier, la loi du 2 janvier 2002 était un souvenir d’école alors que pour le deuxième, l’application de cette loi était un vrai casse-tête. A contrario, ce dernier ne comprenait pas vraiment les enjeux de la reconfiguration des Cellules de Recueil d’Informations Préoccupantes dans le département du premier…
2ème raison : la grande technicité des sujets traités et abordés
Par exemple, si tous le monde est d’accord pour dénoncer les niveaux scandaleusement bas des salaires, tout se complique lorsqu’on entre dans les détails. Qui solliciter ? Il existe 3 grands financeurs dans le champ médico-social (ARS, Conseils Départementaux et CCAS) et 14 conventions collectives ! Par ailleurs, ce secteur est composé d’une multitude d’associations, toutes différentes ! Du coup, il est très difficile d’identifier un interlocuteur, d’autant que les logiques de la Convention Collective 66 ne sont pas celles de la fonction publique hospitalière et qu’il est encore plus compliqué de tenir un langage commun. Il est difficile dans ces conditions de mener des discussions secteur par secteur quand on est bénévole et qu’en même temps on travaille à temps plein.
3ème raison : L’ONES n’était pas un syndicat
Il n’en n’avait pas les moyens apportés par la loi, ni la reconnaissance. Les statuts ont été rédigés très clairement sur ce sujet l’ONES avait plusieurs objectifs notamment :
- D’encourager la reconnaissance du métier d’Éducateur Spécialisé, tant au niveau de ses fonctions professionnelles qu’au niveau d’une meilleure connaissance par le grand public et les autres travailleurs sociaux du secteur.
- De développer des espaces de partage, de travail et de réflexion autour de thématiques du secteur et de diffuser le résultat de ce travail.
- D’avoir une fonction de vigilance et d’alerte sur l’évolution du métier, de ses conditions d’exercice, de son environnement. L’O.N.E.S pourra interpeller, le cas échéant, les acteurs concernés.
- D’élaborer des documents faisant repères pour les professionnels (charte éthique, code de déontologie) d’en assurer la promotion et de les défendre.
- D’établir des relations avec des organismes similaires en vue de développer des échanges quant aux conditions et aux modalités de l’exercice du métier d’éducateur spécialisé.
Dans ses statuts l’O.N.E.S garantissait la liberté syndicale et politique à chacun de ses membres qui pouvaient avoir ainsi de multiples engagements. (c’est aussi le cas actuellement pour l’ANAS l’association nationale des assistants de service social).
Une dissolution pour réfléchir à quelque chose de nouveau
Un appel pour trouver un autre mode d’organisation
Cette dissolution est donc un appel à inventer de nouvelles formes de rencontres et d’échanges conclut l’intervention du président de l’ONES. Le problème est aussi d’avoir tenu à bout de bras une association de professionnels qui certes, aiment débattre et faire état de leurs « disputes » professionnelles, mais qui ne sont pour autant pas toujours prêts à adhérer et à participer activement au fonctionnement de l’association. Tous en conviennent, il est très difficile de concilier vie militante sans moyens dédiés lorsque l’on travaille à temps plein.