(Traduction d’un témoignage d’une travailleuse sociale anglaise)
« Vous m’avez pris mes enfants, maudite salope !. » J’ai entendu les mots, en regardant les yeux écarquillés, sans comprendre cet homme en face de moi. C’était à la table de la salle à manger d’une cafétéria. Il a poursuivi sa diatribe sans relâche jusqu’à ce que finalement ça fasse tilt. « Ah, vous êtes le compagnon ? ». « Je n’avais jamais rencontré cet homme – je vais l’appeler Dave Smith – et je n’étais pas intervenue dans sa situation particulière. Cependant, je savais qu’il avait été déchu de la paternité de ses quatre enfants après l’hospitalisation de sa femme. Dans un accès de colère.il avait littéralement démoli sa maison avec une tronçonneuse ».
Ses enfants étaient dans un processus d’adoption, ce qu’il a trouvé naturellement difficile voire impossible à accepter. Il a montré son mécontentement en abandonnant sa camionnette de travail à travers la sortie du parking des services sociaux, empêchant l’ensemble du personnel de sortir. Pour faire bonne mesure, il a proféré des menaces de mort en direction du travailleur social chargé de sa situation.
Mon interlocutrice – Je vais l’appeler Tracey Wilson – était une mère célibataire avec deux enfants en bas âge et de son association avec Mr. Smith présentait un risque potentiel important pour ses enfants. Elle avait été avisée par écrit que le maintien de sa relation avec lui provoquerait inévitablement une autre action des services sociaux. L’enseignant d’un des enfants nous avait confirmé qu’ils étaient ensemble.
j’ai donc organisé une visite au domicile de Mme Wilson, en présence d’une stagiaire, que je vais appeler Penny, qui m’avait accompagné. Comme la plupart des étudiants, elle a souhaité venir avec moi car c’était pour elle une première expérience de travail. Nous sommes entrés dans la maison, il y avait deux hommes debout dans la salle. Leur présence me troublait. J’ai pu regretter plus tard que mon instinct n’ait pas fonctionné tel un dispositif d’avertissement. Les deux hommes m’ont parlé de façon correcte et relativement agréable, et je leur ai retourné la politesse. Cet échange eu pour conséquence de lever mes doutes. J’ai regardé Mme Wilson qui leva un sourcil. « Ce sont juste des amis, » dit-elle, puis elle nous désigna la salle à manger pour aller discuter des préoccupations de l’autorité locale..
Une minute plus tard, nous avons été rejoints par le plus grand des deux hommes. Il me regarda directement de façon très menaçante. Il me dit: « Vous avez pris mes enfants Lâche-moi, salope. » Je me suis dis aussitôt avec lassitude « ça y est ça recommence ». Effectivement, l’homme a lancé un torrent d’injures dans ma direction et il était clair que, malgré mon manque total d’implication dans son cas, il me tenait personnellement responsable de sa situation actuelle. C’était bien Dave Smith.
Réalisant que toute discussion était inutile, je me suis levé et j’ai dit à Penny d’un air inquiet que nous partions. Dave Smith, en désaccord, s’est mis devant moi, bloquant mon chemin. Je le regarde toute sa hauteur. « Excusez-moi, » lui dis-je. «Pouvons nous passer ?» Il sourit: «Vous n’irez pas n’importe où,» et le voilà qui lâche un autre flot de paroles de violence et de menaces. Malgré mon raisonnement et la négociation, il refusa obstinément de nous permettre de quitter la maison.
Finalement, j’ai décidé d’être plus proactive. Comme beaucoup de mes collègues, j’ai le n° 999 en mémoire et dispose toujours de mon téléphone portable dans ma poche à portée de main. J’ai trouvé discrètement le bouton familier, et j’ai pu lancer l’appel. Ignorant les menaces, j’ ai informé l’opérateur de notre situation et, fort heureusement, les fanfaronnades de Mr Smith ont commencé à diminuer. Après quelques menaces en demi-teinte, il nous laissa quitter la maison. Il a ensuite été arrêté et mis en garde à vue pour s’expliquer sur son attitude et ses menaces.
Ma stagiaire Penny m’a avoué plus tard qu’elle était convaincue qu’il allait physiquement s’en prendre à moi. Elle m’a exprimé ses sentiments d’impuissance face à de telles situations. Essayant d’être philosophe, je lui ai rappelé que les « Dave Smith » de ce monde sont heureusement l’exception, pas la règle. Cependant, il demeure que dans mes 14 années passées en tant que travailleur social de protection de l’enfance, en différents moments, j’ai reçu coup de pied, coups de poing, crachats et, plus inquiétant encore, j’ai été menacé avec un couteau et un fusil de chasse.
Ce dernier incident m’a mise en colère. En essayant de faire mon travail, j’avais été soumise à de l’intimidation et àdes agressions verbales inutiles . Nous avons une tolérance zéro face la violence, mais malheureusement, ce n’est pas un incident isolé. Beaucoup de mes collègues ont l’expérience d’incidents similaires tous les jours. Nous devons y répondre et nous concentrer sur notre travail. Malgré ces risques, nôtre profession est l’une des professions les plus représentés négativement dans la société.
Mon désir consiste à pouvoir communiquer une vision authentique de la vie quotidienne d’un travailleur social et de mettre en évidence la réalité des difficultés que nous rencontrons. C’est pourquoi j’ai écrit un livre romancé, « connu des services sociaux ».
Une collègue de bureau a plaisanté en espérant que je n’avais pas « cassé » l’étudiante qui m’avait accompagnée lors de cette visite. Je ai renvoyé un sourire ironique, « Bienvenue dans le monde à ma Penny, Bienvenue dans notre monde. »…
Vous trouverez ici le Blog de Freya Barrington ; son roman, intitulé « KNOWN TO SOCIAL SERVICES » (connu des services sociaux), publiés par Faraxa Books, est devenu un « best seller » disponible sur Amazon comme un livre de poche depuis le 28 Février 2015. Une version téléchargeable suivra
note complémentaire : Cette texte de Freya Barrington me laisse personnellement insatisfait. En effet, il semble qu’à aucun moment le travailleur social ne tente de comprendre l’origine de la violence de la personne qui l’insulte ou la menace. Certes la violence n’est pas excusable mais il reste nécessaire de pouvoir en comprendre les ressorts et les origines. Dans cette situation, le père déchu de ses droits et en perte de toute autorité voit que ses enfants vont être adoptés alors que, même s’il reste dangereux dans son comportement, il ne s’en désintéresse pas. Il y a là matière à réflexion. Enfin en France , dans une situation similaire, les travailleurs sociaux de la protection de l’enfance auraient eu à gérer des visites médiatisées avec tous les risques que cela comporte. Ce qui là non plus ne peut être satisfaisant.
Photo : Freya Barrington lors d’une séance de dédicaces de son livre dans une librairie
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En effet, pour bien agir de manière juste et adaptée, ce qui n’est pas simple quand les émotions nous envahissent,
Il faut comprendre pour agir.
La formation pour faire face à ce type de situation est un réel manque dans les écoles et centres de formation. Plus de 80% de nos stagiaires regrettent, dans nos questionnaires satisfaction, de « ne pas avoir eu une formation opérante sur ce thème » pendant leur formation au métier