Les mots que nous utilisons pour désigner les personnes percevant des prestations sociales ont du sens. Selon le terme utilisé, nous induisions une vision différente de la personne mais aussi de nos valeurs. Ainsi par exemple ce titre de BFM TV publié il récemment nous explique « Le plan du gouvernement pour améliorer l’accompagnement des bénéficiaires du RSA » . Ce titre, sans arrière pensée, peut nous interroger, notamment sur le terme utilisé de « bénéficiaire du RSA »
Les allocataires du RSA sont très souvent nommés « bénéficiaires » comme si le fait de toucher une allocation (le RSA) leur apportait un bénéfice ou une plus value. Pourtant la définition du dictionnaire Larousse explique qu’un bénéfice est « un profit réalisé dans une opération financière, commerciale, dans une activité à but lucratif. » Cette définition introduit une notion : le profit. C’est la racine du mot « profiteur » (comme l’utilisent parfois ceux qui critiquent le personnes qui perçoivent le RSA).
Les autres sens du mot bénéfice ne valent guère mieux. Ainsi le Centre National de Ressources textuelles et lexicale donne comme premier sens au mot bénéficiaire « celui ou celle qui obtient des avantages de différente nature ». Être bénéficiaire du RSA permettrait « d’obtenir des avantages ». Ce serait donc un privilège si l’on s’en tient aux usages anciens. En effet ce mot « bénéficiaire » était utilisé au moyen âge pour désigner « celui, celle qui posséde un bénéfice » et plus précisement « Celui, celle qui jouit de privilèges accordés par la loi, par le souverain ». Pourquoi remonter au moyen âge direz vous ? Simplement pour nous rappeler que le Droit à l’époque était divin, revenait aux seigneurs et aux rois qui accordaient des faveurs de jouir d’un privilège quelconque à celui qui disposait ainsi d’un bénéfice.
« Nous ne sommes pas des bénéficiaires du RSA ! »
Je ne m’étonne pas alors de la réaction assez vive qu’a eu un allocataire du RSA présent lors de l’installation du tout nouveau Comité Local du Travail Social de Loire Atlantique vendredi dernier à Nantes à l’Hôtel du Département. Il n’a pris la parole qu’une seule fois : « Mesdames, messieurs, je tiens à vous préciser que nous ne sommes pas des bénéficiaires du RSA ! » nous a-t-il dit. « Nous sommes des allocataires d’un Droit ». « Si on nous appelle bénéficiaire, Il faudra expliquer de quel bénéfice il s’agit. Un bénéfice c’est ce qui reste une fois qu’on fait une vente. Je ne vois pas dans le RSA de bénéfice quand on a ça pour vivre » conclua-t-il.
Comment ne pas lui donner raison ? Oui le mot « bénéficiaire » pour parler du RSA (mais aussi de l’AAH et de toutes les prestations sociales) est particulièrement inadapté. Si nous parlons d’une allocation il vaut mieux en effet utiliser le terme d’allocataire ce qui ne distingue pas ni ne stigmatise celui qui la perçoit.
C’est pourquoi je ne peux que remercier cet allocataire du RSA. Ses mots percutants sont venus au bon moment devant les représentants institutionnels des services L’Etat, de la Région, du Département… Pour notre plus grand bénéfice, Il a su nous rappeler combien les termes que nous utilisons ont du sens et sont parfois peu adaptés à la réalité de ceux qui sont ainsi désignés.
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