C’est l’été, un peu d’histoire ne fait pas de mal, bien au contraire ! Elle nous aide à comprendre le présent. Alors regardons aujourd’hui la période de l’entre 2 guerres. Les premiers centres sociaux sont apparus en France dans les années 1920. C’est une femme, Marie Jeanne Bassot1 qui fondera la fédération des centres sociaux en 1922. Une vingtaine d’établissements se regroupent alors pour endiguer la misère, lutter contre les fléaux du chômage, l’insalubrité, et créer des lieux d’accueil, de vie, d’échanges, de loisirs et d’éducation.
Entre 1920 et 1940, le service social rural2 initialement dénommé animation rurale prendra lui aussi une place prépondérante en France avec l’ébauche d’une dimension d’intervention collective. Il participe notamment à la mise en place d’un certain nombre d’œuvres sociales et apporte sa contribution aux initiatives du milieu associatif. En 1931, l’école normale sociale précise que “ la dame, (le terme de dame est à entendre dans le sens d’assistante sociale), en arrivera peut-être à causer des syndicats, coopératives, chambre d’agriculture, et à montrer le parti à en tirer comme la manière de les fonder, la place à y prendre.”3
L’ancêtre de la polyvalence de secteur apparaîtra dans les années 1930 grâce à l’instigation de plusieurs municipalités marquées à gauche. Son précurseur, Henri Sellier, maire de Suresnes, introduit, dès 1919, l’assistance sociale avec l’instauration des visiteuses polyvalentes (à l’origine du service social polyvalent), capables de prendre en charge l’ensemble des problèmes de chaque famille d’un secteur géographique donné. Si le travail social de groupe n’est pas particulièrement utilisé, la dimension collective, ou du moins une certaine dimension allant au-delà de l’action individuelle, commence à apparaître dans les écrits professionnels. Ainsi Madeleine Delbrêl assistante sociale auteur de nombreux ouvrages, écrira en 1937 “ il est peut-être plus touchant de visiter, dans sa journée, cinq ou dix familles nombreuses, de leur obtenir à grand renfort de démarche tel ou tel secours ; il serait sans doute moins touchant mais plus utile, de préparer le chemin à tel texte légal qui améliorerait l’état familial de toutes les familles nombreuses connues ou inconnues de nous. ”4
L’éducation populaire connaîtra un renouveau en 1936, sous le Front Populaire. Elle avait dû auparavant faire face à des difficultés financières et pédagogiques, des divergences idéologiques au sein des associations et à une retombée de la passion soulevée par l’affaire Dreyfus. Il s’agit alors d’instaurer le loisir populaire pour construire une société » saine et heureuse » (Léo Lagrange). Le Front Populaire marque un début de reconnaissance par l’Etat de certaines associations d’éducation populaire, comme les Auberges de la Jeunesse.
Pendant la guerre de 1939-1945, dans les maquis de la résistance et dans le prolongement de l’Ecole des Cadres d’Uriage, la rencontre entre des catholiques, protestants, francs-maçons et militants syndicaux sera à l’origine de la naissance d’importants mouvements d’éducation populaire. Mais ça c’est une autre histoire…
1 Cette femme d’exception sera même enlevée et internée une journée en Suisse sur la demande de sa famille tant ses idées et ses pratiques heurtaient son milieu d’origine.
2 Officiellement instauré en 1939
3 Cité par Henri Pascal dans l’intervention sociale d’intérêt collectif, 2003
4 Delbrêl Madeleine 1937 « Ampleur et dépendance du service social » Paris Librairie Bloud et Gay (reproduit dans Madeleine Delbrêl 2007 Profession assistante sociale Ecrits professionnels volume 1. 5e tome des Œuvres Complètes Bruyères-le-Châtel Nouvelle Cité)
Note : j’avais initialement rédigé cet article le 8 juillet 2016