Rien ne va plus depuis trop longtemps dans l’hébergement d’urgence. Vingt maires de grandes villes françaises viennent d’unir leurs voix pour adresser une lettre ouverte au Président de la République. Ils expriment leur profonde inquiétude face à la crise humanitaire qui se déroule sous leurs yeux. Ces élus locaux, confrontés quotidiennement aux réalités du drame des sans-abris, tirent la sonnette d’alarme sur l’insuffisance criante du système d’hébergement sur l’ensemble du territoire.
Leur appel fait écho au 29ème rapport de la Fondation Abbé Pierre, qui souligne une augmentation alarmante du nombre de personnes vivant dans la rue, ainsi que l’aggravation de leur vulnérabilité. Ce rapport affiche des chiffres préoccupants : 330.000 personnes sans domicile, une augmentation quasi double en dix ans, et plus de 8 000 demandes d’hébergement d’urgence non satisfaites chaque soir.
Christophe Robert, délégué général de la Fondation, avait déjà souligné une année d’inaction gouvernementale face à une situation qui se détériore. Les conséquences sociales et économiques sont profondes. Les difficultés s’accumulent : mobilité réduite des salariés, difficultés de recrutement pour les entreprises, réduction du parc privé, renoncement des jeunes à leurs études faute de logement, et une concurrence accrue pour l’accès au logement, sans oublier les personnes qui ne trouvent même pas refuge dans l’hébergement d’urgence.
Rien ne bouge…
Malgré ces chiffres, le gouvernement maintient une politique de rigueur budgétaire, avec une réduction significative de l’effort public consacré au logement par rapport à 2010. La construction de logements sociaux, en particulier, connaît une chute dramatique, exacerbée par une politique favorisant le logement intermédiaire, inadaptée selon la Fondation Abbé Pierre qui rappelle le besoin criant de logements très sociaux.
La lettre des élus insiste sur l’échec du système actuel à répondre aux besoins les plus élémentaires des personnes sans domicile, exacerbé par la fin des plans « Grand Froid » et les remises à la rue systématiques. Les maires décrivent une réalité dans laquelle les campements et squats se multiplient. Des enfants et des personnes tombent gravement malades et sont abandonnés à leur sort. Les acteurs de terrain tel les centres d’hébergement d’urgence et les gestionnaires des 115 sont poussés à bout. Ils pointent du doigt la responsabilité de l’État, estimant avoir atteint les limites de leurs capacités à pallier ses carences.
Le droit à l’hébergement n’est pas du tout respecté
Le courrier des élus fait aussi référence à la récente décision du Conseil Constitutionnel affirmant que le droit à un hébergement d’urgence est inconditionnel. Il rappelle l’annonce par le Ministre Vergriete d’une enveloppe supplémentaire de 120 millions d’euros pour l’hébergement d’urgence qui n’a pas été débloquée.
Malgré ces annonces, les maires constatent que le système reste nettement sous-dimensionné. Les appels au 115 restent sans réponse et les critères d’accès à l’hébergement deviennent de plus en plus restrictifs. Leur demande d’échange urgent sur ces sujets avec le gouvernement est déjà restée sans réponse. Ils interprètent cela comme un mépris envers les personnes en situation de précarité et les professionnels du secteur médico-social. C’est pourquoi ils réitèrent leurs demandes à travers cet appel à Emmanuel Macron
Un recours en justice engagé
Face à cette situation, les signataires de la lettre, parmi lesquels figurent les maires de Strasbourg, Bordeaux, Grenoble, Lyon, et Rennes, appellent à une refonte du système d’hébergement d’urgence. Ils plaident pour une collaboration étroite entre l’État, les collectivités locales et les acteurs de terrain afin de garantir un accès aux droits pour tous et de développer des solutions pérennes en matière de logement. En signe de leur engagement et de leur refus d’être de simples spectateurs de cette crise, certaines villes ont même initié des recours indemnitaires contentieux contre l’État.
Cette démarche des maires souligne l’urgence d’une action collective et coordonnée pour faire face à la crise humanitaire des sans-abris dans notre pays. Elle appelle à une prise de conscience et à une mobilisation de tous les niveaux de gouvernance pour mettre fin à cette situation inacceptable et garantir la dignité de chaque personne.
La balle est désormais dans le camp du gouvernement. Il doit répondre à cet appel à l’aide et travailler de concert avec les collectivités pour trouver des solutions justes et efficaces. Mais le fera-t-il au delà des déclarations de bonnes intentions ?
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photo de Claudius DORENROF Les clochards de PARIS 24-01-10 Certains droits réservés