La dixième vague de l’étude « Fractures françaises », réalisée par Ipsos-Sopra Steria pour « Le Monde », la Fondation Jean-Jaurès et le Cevipof, nous montre une colère des Français accompagnée d’une critique accrue des aides sociales. Malgré un titre plus rassurant parlant de « décrispation » que penser de cette étude qui a interrogé pas moins de 12.044 personnes, constituant un échantillon représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus ? (interrogées du 16 au 20 septembre, selon la méthode des quotas).
36 % des sondés se disent appartenir à une France très en colère et contestataire, 58 % à une France mécontente. Ils n’y a que 6% de nos concitoyens à estimer vivre de façon satisfaisante et apaisée.
Plus inquiétant à mon sens Le journaliste du Monde Abel Mestre souligne une forte intolérance des Français face aux aides sociales : » 63 % des répondants affirment ainsi que « l’on évolue vers trop d’assistanat ». C’est notamment le cas du parti présidentiel (77 %), des Républicains (87 %) et de l’extrême droite (76 % pour le RN, 86 % pour Reconquête !). Mais une forte proportion de sympathisants de gauche et des écologistes (30 % chez les « insoumis » et les communistes, 39 % chez les Verts et 48 % chez les socialistes) pense la même chose ». Comment voulez-vous dans ce contexte que les métiers de l’assistance soient appréciés ?
Une société où la défiance domine
« On n’est jamais assez prudent quand on a affaire aux autres ! » Cette affirmation est reconnue comme une réalité pour 74 % des Français comme le montre le tableau suivant :
Que dire là aussi de l’intérêt des professions sociales basées sur une pratique de confiance, à priori en direction des autres et particulièrement de personnes que l’on ne connait pas ? Les métiers de l’aide et du soin peuvent-ils s’exercer sereinement dans une société ou la confiance en l’autre ne concerne que 26% de nos concitoyens ? Là aussi, cette défiance qui existe depuis plus de 10 ans peut nuire à l’attractivité des métiers. Le concept de confiance est particulièrement faible chez les électeurs de droite, mais aussi auprès des catégories dites populaires, celles qui ont plus fréquemment recours que d’autres aux systèmes de solidarité. La défiance concerne aussi nos institutions, ce n’est pas nouveau.
Cette étude nous apprend aussi qu’un quart des Français juge que le recours à la violence peut parfois être justifié. C’est une proportion en hausse même si 72% des Français rejettent la violence en tant que telle. On retiendra toutefois que ce sont notamment les jeunes, et plus encore les sympathisants de droite radicale qui justifient plutôt le recours à la violence.
« C’était mieux avant »
S’il y avait une radio à écouter, ce serait Nostalgie ! Les « valeurs du passé sont plébiscitées. Cela peut aussi être assez inquiétant, car le retour au passé inspire souvent les idées réactionnaires. Aujourd’hui, le progrès serait-il de retourner dans des pratiques du passé ?
Les Français veulent un chef qui a de l’autorité.
Là aussi, pas de surprise même si l’adhésion aux valeurs autoritaires recule légèrement cette année. Elle reste toutefois élevée. 79% des personnes interrogées estiment qu’on a besoin d’un vrai chef en France pour « remettre de l’ordre ». Fichtre serions-nous prêts à voir arriver un pouvoir autoritaire, voire autoritariste ? Les pays autoritaires avec des chefs qui se réclame de l’ordre dans le monde sont aujourd’hui des dictateurs. De Poutine à Xi Jinping les sytèmes et les hommes autoritaires s’accommodent mal de la démocratie. Les travailleurs sociaux adeptes de la co-construction apprécieront. Petit ciel bleu dans cet univers un peu sombre, cette année, ceux qui estiment qu’i faudrait rétablir la peine de mort en France sont devenus minoritaires. De peu certes, mais 52 % de la population estime aujourd’hui qu’il ne faut pas de peine capitale.
Beaucoup d’autres sujets sont abordés dans cette étude. Il est utile d’en prendre connaissance pour mesurer aussi les incohérences de certaines réponses liées au climat, à la consommation ou encore à l’énergie et aux efforts que nous devrions fournir. En tout cas, je me demande si ces résultats ne sont pas quand même un peu inquiétants. Votre avis sur cette vision de la société française en 2022 m’intéresse… J’ai sans doute un besoin d’être rassuré !
- Télécharger « Fractures Française » édition 2022 Ipsos-Sopra Steria | Fondation Jean Jaurès
- « Fractures françaises » : un pays mécontent mais qui montre les premiers signes de décrispation | Le Monde
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2 réponses
Les débats sur la gabegie financière et l’entretien de l’oisiveté des pauvres autour des aides sociales ne sont pas récents. Et voir qu’il y a une grande majorité des gens de droite qui trouvent que l’on en fait de trop pour les plus vulnérables est aussi une rhétorique ancienne. Y voir des politiciens de gauche s’y plonger dedans est plus inquiétant! Même si la question des salaires est centrale.
Ce qui est inquiétant c’est le sentiment de déclassement, l’illusion d’un monde heureux disparu, l’ éco anxiété qui pourraient conduire à des réactions électorales conduisant vers un régime autoritaire.
Une fois ces propos tenus, que faire:
– maintenir un état social, ne pas accepter les reculs des droits sociaux et des aides sociales, voir penser et mettre en places de nouveaux droits comme un RSA jeune!
– renforcer les politiques de soutien au pouvoir d’achat et d’aides à face à l’augmentation du prix de l’énergie et prélevons des taxes sur les superprofits pour aider ceux qui en ont besoin ( entreprise et ménages)
– agir sur le déclassement des classes moyennes et populaires pour que travailler donne lieu à fierté, et pour ce faire faire une convention nationale sur le travail pour refonder un travail trop dévalué et soumis aux aléas d’une économie financiarisée et d’organisations bien trop technocratisées,
– combattre politiquement et idéologiquement toutes les idéologies réactionnaires et autoritaires; et sur ce point, il y a du boulot,
– bien dénoncer le fond idéologique de l’extrême-droite et ses contradictions actuelles,
– ne pas avoir peur d’afficher les idéaux universalistes et les principes d’une économie au service de tous,
– lutter contre les inégalités sociales et territoriales,
– défendre absolument les valeurs de fraternité et d’égalité et leur effectivités,
– ne pas opposer les travailleurs sociaux et les représentants de l’ordre , défendre les magistrats et les policiers qui se battent pour une police et une justice républicaine,
-Lutter et lutter encore pour que notre monde ne cède pas à la régression et au pessimisme ambiant,
Les analyses sur les sondages ne doivent pas servir à nous resigner et constater une fois de plus que nous allons dans le mur , que lors des prochaines élections présidentielles nous auront une présidente d’extrême-droite.
Donner à voir les combats locaux, les batailles pour l’économie solidaire, pour la lutte contre le réchauffement climatique, les micro-combats et les décisions prise par les instances internationales de régulation du monde est absolument nécessaire.
Et c’est ce que ce site fait, en ce qui concerne les problématiques du travail social Alors Merci à Didier pour ce travail.
Nous avons besoin de dénoncer les absurdités des débats qui ne font que discréditer les idéaux que nous portons : comme le pseudo débat stérile sur la défense du machisme par certains politiciens de la gauche…qui nous disperse au lieu de nous conduire à combattre les forces réactionnaires. qui sont en embuscade pour revenir sur le droit à l’avortement.
Créons plutôt un observatoire des pratiques de ceux qui disent et mettent fin à nos systèmes de protection et prouvons que leur monde est encore plus dangereux!
Car pour exemple, voyez ce que la politique de Bolsenaro a amenée comme désastres sociaux et écologiques….et pensons bien que l’histoire n’est pas finie!,
Merci pour ta contribution Jean-Luc !