Selon un sondage intitulé « l’Opinion en direct » dévoilé en octobre 2019 deux Français sur trois se disaient favorables à l’accueil des réfugiés politiques ; la proportion étant inversée au sujet des migrants économiques. Quant au regroupement familial, une courte majorité (51%) des sondés se prononçaient pour. De manière générale, en 2019 l’opinion des Français s’était avérée plus favorable à l’accueil des immigrés que l’année précédente. Mais il n’est pas certain que la pandémie ait consolidé cette position.
Qu’en est-il des flux migratoires en France ?
En 2020, la France a délivré 712 311 visas contre 3 534 999 en 2019 (soit une baisse de 79,8%). Cette baisse est directement imputable à la crise sanitaire. C’est logique, la crise sanitaire est passée par là et les visas concernent le tourisme. C’est plutôt le nombre de demandes de titres de séjour qu’il faut regarder. Selon les estimations du ministère, environ 220 535 premiers titres ont été délivrés (-20,5% par rapport à 2019). Le motif familial reste le premier motif d’attribution d’un titre de séjour mais diminue de 16,9%. Le motif d’admission au titre d’étudiant reste contenu à -20,4%. L’immigration économique, en revanche, est la plus touchée par la crise du Covid-19 avec une diminution de 31%.
Ce sondage indiquait aussi que seuls 10% des Français estiment correctement la proportion de la population immigrée dans la société. près de la moitié des sondés (47%) surévalue le pourcentage; un tiers le fait d’ailleurs assez nettement, donnant 20% ou plus de la population totale. C’est donc l’occasion de remettre les pendules à l’heure. Il est important en tant que travailleur sociaux, nous puissions rétablir certaines vérités lorsque nous sommes interpelés à ce sujet. (Vous savez, « ces étrangers qui vivent des aides sociales ») Le tableau qui suit nous montre une réalité des données, celles recueillies par la Direction générale des étrangers en France (DGEF) du ministère de l’Intérieur
Évidemment ces chiffres ne font pas les affaires de ceux qui prônent la théorie du grand remplacement. Et cela n’empêche pas un journal d’opinion comme Valeurs Actuelles de reprendre en novembre 2020 ce qu’il appelle « une vaste enquête menée par Le Figaro » Elle montre qu’une large majorité de Français est favorable à des mesures vigoureuses pour limiter les flux de migrants. ( » 55% des Français voudraient également la suppression du regroupement familial, cette procédure que la France a mis en place en 1976 et qui permet à un étranger non-européen, titulaire d’une carte de séjour, de faire venir en France son conjoint et ses enfants sous condition de ressources et de logement. )
L’IFOP considère comme scientifique le fait que 1008 personne réalisent un sondage auto-administré en ligne. C’est-à-dire sans passer par le filtre d’un enquêteur. Avec des affirmations particulièrement orientées qui invitent à dire oui, on fait dire aux français ce que le donneur d’ordre a envie d’entendre. Et là miracle, que voyons-nous ? Tout simplement que des affirmations du genre « Il faut passer d’une immigration subie à une immigration choisie » sont largement majoritaires dans le pays.
Au final les sondages se contredisent selon ceux qui les réalisent : ainsi en 2016 pour Amnesty International, 82 % des Français étaient favorables à l’accueil des réfugiés. (63% des personnes interrogées étaient d’accords pour dire que la France devait faire plus pour aider les réfugiés).
Qui croire au final ? Celles et ceux qui estiment qu’il faut « se protéger des étrangers » ou ceux qui gardent la culture de l’accueil comme une valeur non négociable car issue des valeurs républicaines ? La question reste posée même si, bien évidemment, tout travailleur social qui respecte les valeurs de sa profession penche pour l’accueil dans le respect des textes internationaux. Certains diront que je ne parle pas ici de l’immigration clandestine. Ben si justement puisque les clandestins sont conduits rapidement à engager une demande d’asile.
Pour un digne accueil des émigrants
Il nous manque une structure permettant un accueil digne d’un service social en direction des familles. Voilà de quoi regretter la disparition il y a plus de 15 ans du Service Social d’Aide aux Émigrants (SSAÉ). Ce n’était pas un hasard. Un certain Nicolas Sarkozy fut l’artisan de cette réorganisation qui a tué le SSAÉ pour le remplacer par une agence, l’ANAEM devenu ensuite l’Office Français de l’Immigration et de l’intégration (OFII) avec des missions et des pratiques très différentes dans ses conceptions de l’accueil.
Benjamin Stora nous a expliqué que la France avait été victime du « ravage des idéologues du repli identitaire ». Il nous a rappelé que depuis plus de 20 ans un travail de sape idéologique tend à renforcer le repli sur soi alors que la tradition française est au contraire historiquement celle de l’hospitalité envers les réprouvés. Un petit rappel permet de le constater : en 1939, La France avait accueilli près d’un million de réfugiés espagnols, fuyant le franquisme, en 1973 près de 15.000 Chiliens étaient reçus dans notre pays après le coup d’État du général Augusto Pinochet. De 1975 à 1985, la France avait accueilli 110.000 « boat-people », fuyant le régime des khmers rouges à Phnom Penh ou le Vietnam… C’est à comparer à l’accueil humanitaire de 32.000 migrants en France en 2020.
Pour conclure, je me prends à rêver aujourd’hui à l’existence d’un service social d’aide aux migrants et notamment aux réfugiés qui puisse s’appuyer sur le Droit international et apporter non seulement son aide professionnelle mais aussi puisse prendre position au nom du travail social en rappelant par exemple la nécessité d’appliquer la convention de Genève avec humanité.
Tout cela est un vœu pieux bien évidemment. Mais cela renforce pour ma part mon désir de soutenir les associations comme le GISTI, France Terre d’Asile, le Réseau Education Sans Frontières ou encore Amnesty International. Elles tentent, comme d’autres localement avec des moyens souvent insuffisants, de faire entendre une autre voix que celle d’une France repliée sur elle-même en aidant très concrètement à la résolution des situations selon des critères éthiques éprouvés. Il me parait important que nous, travailleurs sociaux, soyons en capacité de nous engager auprès d’eux.
photo