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Éducateurs, ces héros invisibles du quotidien qui aident à « réparer les vivants »

« Éducateur, un métier peu valorisé, mal payé, éprouvant et pourtant… » C’est ainsi que Patrick Cohen définit la profession d’éducateur spécialisé pour présenter l’invitée de C à vous sur la 5. Mélissa Theuriau était interviewée à l’occasion de la diffusion sur France 2 du film documentaire qu’elle a produit qui s’intitule « Mes premiers pas d’éducateur, » que vous pouvez (re)découvrir en replay jusqu’au 15 janvier prochain. Elle explique que « parler de la protection des enfants, c’est parler de ceux qui les encadrent alors qu’ils sont toujours au second plan. On ne les voit pas, on ne les entend pas ».

« On ne peut choisir ce métier sincèrement, si on n’a pas la vocation, et si on n’a pas le sentiment d’être utile à « redresser » les gens que personne ne considère » dit-elle. Elle rappelle à cette occasion que les éducateurs n’interviennent pas qu’auprès des enfants. Ils sont là aussi auprès des personnes dépendantes des drogues (alcool notamment) mais aussi des personnes handicapées ou encore celles et ceux qui rentrent dans le grand âge.

« On a besoin d’eux, ils sont très mal payés. Il faut qu’on arrive à mieux les rémunérer, à mieux les considérer si on veut qu’ils continuent de faire ce métier essentiel » dit-elle. Pendant le COVID, ils étaient en première ligne… « et personne ne leur dit merci « complète Patrick Cohen

Beaucoup d’entre eux sont ont eu des parcours « cabossés » dit-il. Lors des cours les enseignants s’arrêtent sur le mot résilience et ce qui est montré, c’est que ces parcours d’éducateur sont souvent des histoires de résilience…  Oui répond Mélissa Theuriau, « si vous vous relevez d’épreuves faites de douleurs et de souffrances, et que vous êtes encore debout, il me semble que pour beaucoup d’entre eux, il y a la volonté de se dire, je vais moi-même être en capacité de comprendre la difficulté [de l’autre] ».

« Le terrain est extrêmement difficile. Se lever le matin pour être rejeté par des gens qui n’ont pas envie d’être aidés… Qui fait ce métier pour avoir à peine un Smic ? »  Ce film documentaire montre aussi ce qui ne fonctionne pas. Beaucoup d’éducateurs ne sont pas formés. Ils sont en nombre insuffisant. Mélissa Theuriau rappelle le rôle des centres de formation qui permettent à celles et ceux qui ont « la vocation » d’avoir des parcours « lumineux ».

Des témoignages éloquents

Voici quelques réactions de travailleurs sociaux qui ont visionné cette émission :

  • « Les mots sont d’une justesse !!!! Merci Mélissa, oui on aide à notre tour les belles âmes « perdues »… car nous on s’est relevés et on élève les autres aussi par la même occasion ! »  (Rebecca)
  • « Nous n’avons pas tous des anciennes blessures et si celles-ci n’ont pas été cautérisées, ça peut être dangereux. Dans ce métier, il faut malheureusement plus se protéger des adultes, de nos hiérarchies que des jeunes pris en charge. C’est qui ce formateur qui parle d’amour, il est à côté de la plaque. Aimer, non, accompagner, aider, soutenir, être tolérant, dans l’empathie, faire ce métier par choix, oui, mais aimer surtout pas. Ce serait donner de faux espoirs aux jeunes que nous rencontrons…. » (Jean Denis)
  • « Très beau témoignage d’une grande douceur. Cependant l’IRTS n’est pas l’unique école d’éducateurs. Les CEMEA, établissements d’éducation populaire forment des moniteurs éducateurs qui dès la première année sont sur le terrain et font souvent les mêmes taches que les éducateurs spécialisés avec un salaire sous évalué également. Mettre de l’argent dans l’éducation est une priorité. Ces métiers sont essentiels et tellement sous estimés » (Laurence)
  • « Autrement que dans la juste distance, d’autres parlent d’une juste proximité. Qui je pense a un vrai sens chez nous les travailleurs sociaux, c’est en tout cas ce que je défends » (Sophie A.)
  • « Je vous remercie très sincèrement de mettre en lumière notre beau métier d’éducateur. Nous, les invisibles, accompagnons avec bienveillance et détermination au quotidien, un public à la marge, souvent en grande souffrance physique, psychologique et/ou psychique. Ce métier peu reconnu est pourtant un maillon indispensable de la société pour un mieux être collectif. Nous accompagnons et nous soutenons sans relâche des personnes « abîmées » dans leur âme et/ou dans leur chair vers un cheminement personnel de résilience et de mieux être pour qu’elles ne soient plus des rejetés de la société… » (Sophie M.)

« Réparer les vivantes »

Mélissa Theuriau est aussi la productrice déléguée d’un autre film documentaire qui  sera présenté en première diffusion sur LCP mercredi prochain. Ce sera la veille de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, qui a lieu le 25 novembre.

Ce documentaire « Réparer les vivantes »  dévoile avec sobriété, à travers des instants intimes, l’immense difficulté de la reconstruction des personnes qui ont été victimes de violences intrafamiliales. Ce ne sont pas des travailleurs sociaux qui seront à l’écran, mais plutôt des soignants : Filiani, infirmière, Axelle, juriste, Marie, psychologue ou encore Claire gynécologue. Elles ont toutes fait le choix de consacrer leur carrière ou une partie de leur temps libre aux victimes de ces violences spécifiques.

Ce reportage a été tourné dans les locaux de l’association Women Safe situé à Saint Germain-en-Laye. Un lieu pluridisciplinaire ouvert en 2014 « pensé comme un cocon entièrement dédié à la reconstruction des victimes ». « Si le chemin peut parfois être long, la visite d’anciennes victimes aujourd’hui libérées des violences sonne comme la meilleure récompense pour cette équipe constituée à
60% de bénévoles » conclut le communiqué de presse qui annonce la diffusion du reportage (suivi d’un débat) sur LCP

 

Photo : capture d’écran de l’émission C à vous – 15/11/2021 « Éducateurs, ces héros invisibles du quotidien, avec Mélissa Theuriau » – #CàVous

 

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3 Responses

  1. Le statut dévolu aux éducateurs m’a longtemps semblé relever de cette tendance répandue qui voudrait qu’ils se cantonnent à la simple exécution:
    Les éducateurs sont priés de faire du  » travail social » et non  » de travailler le social » démarche qui suppose d’ aborder les causes de l’exclusion, et d’intervenir dans un espace désormais sous contrôle, dévolu aux seuls politiques et aux seuls technocrates.
    Mon expérience d’éducateur spécialisé en charge d’un centre social et d’une structure d’insertion par l’économique, 30 ans durant, sur un quartier ghetto, m’ a permis de mesurer les résistances à l’oeuvre dès qu’il s’agit de favoriser l’expression et la participation des usagers, la construction avec eux d’équipements et d’entreprises solidaires.
    J’ai tenté de le montrer dans « Le monde selon Isidore » éditions HD 2021 et dans  » Un essai de transformation sociale, l’ Harmattan 2018. Dans « Une mosaïque d’interventions sociales » VST 2021 récemment.
    Il faut déplorer aujourd’hui la tendance de  » l’institution  » à retirer les agréments des clubs et équipes de prévention spécialisée et des centres sociaux, pratiques qui font le lit du populisme.
    Les éducateurs, les travailleurs sociaux aujourd’hui sont empêchés d’aider comme les enseignants sont empêchés d’enseigner, les soignants de soigner. On assiste au retour de « Procuste » qui voulait coucher les voyageurs dans son lit : allonger les petits, raccourcir les grands et promouvoir un seul calibre contre toute forme de diversité.
    Reste cette solution offerte à la collectivité : laisser les professionnels travailler, les usagers s’exprimer.

  2. Bonjour,

    je suis éducatrice spécialisée depuis 20 ans et actuellement devenue formatrice à l’école du travail socila de Lyon (ARFRIPS).
    si Madame Theuriau et Mr Cohen sont intéressés et se veulent se rendre compte du travail social à l’épreuve de la covid 19, j’ai réalisé un documentaire à partir de témoignages d’éducateurs.
    il est visible sur la chaine du CNAHES, Conservatoire National des Archives et de l’Histoire de l’Education Spécialisée.

    Si les éducateurs sont mal payés, ou invisibles, etc. l’explication est multifactorielle. cela s’inscrit dans l’histoire de notre métier issue pour une bonne partie de la charité. et nous nous occupons des personnes en marge, celles que l’on ne veut pas voir. de ce fait, notre invisibilité est notoire.

    Merci de nous rendre un peu moins invisibles.

    Cordialement
    Béatrice PONTVIANNE

  3. Cher collègue,
    Je trouve votre blog sur lequel je tombe par hasard, passionnant; ce dernier envoi touche de plein fouet les questions que je me pose et depuis longtemps sur les éducateurs. Je vois, de plus en plus, utiliser le mot « vocation » pour parler de ce métier alors que les questions statutaires et les notions de professionnalisme et de savoir-faire sont de plus en plus négligées. Le mot « compétence » disparaît du débat public, et l’on retient que les éducateurs sont mal payés. Plusieurs auteurs comme André Gorz et Joan Tronto avaient venir ce phénomène qui allait faire des métiers de l’humain ou du lien des métiers de service. On est loin du premier congrès de l’AIEJI (Association Internationale des Educateurs de Jeunes Inadaptés, 1970 ou 1971), première manifestation à laquelle j’assistais dans ma jeunesse (je suis un senior de l’éducation spécialisée!) ou le terme français d’éducateur spécialisé était utilisé dans toutes les langues importantes, italien, espagnol Anglais. Il en est ainsi en psychiatrie, dans les maisons de retraites, dans les institutions médico sociales et.. etc… et je prépare un article pour VST là dessus… J’ai toujours pensé qu’un minimum de corporatisme ouvert, lié à l’excellence plutôt qu’à une qualité « estampillée » et « formalisée » était nécessaire et c’est un vrai débat. En tous les cas merci de la réflexion et de l’information que vous engagez sur nos métiers. Puis-je vous envoyer mon dernier livre « Le gai savoir des éducateurs, éloge des transparents » (L’Harmattan, 2019) et à quelle adresse? Cordialement, Jean-François Gomez

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