« Chers Laura Izzo et Christophe Anché ! J’ai envie d’écrire un article sur votre livre sous forme de lettre à votre intention en la publiant sur ce blog. En effet, vous m’avez adressé votre ouvrage paru aux éditions équateurs avec une dédicace fort sympathique. J’ai profité d’un récent séjour de vacances pour lire ce livre qui m’a vraiment fait plaisir. Je vous explique pourquoi…
Choisir de parler sa pratique professionnelle en faisant vivre sous nos yeux ces enfants en danger n’était à priori pas évident. Pourtant vous y parvenez sans peine avec un langage clair, précis et accessible à tous. Nous sommes loin du « verbiage » professionnel et de la « psychologie sentencieuse » assénée dans les réunions de synthèse. La grande qualité de votre ouvrage est qu’il peut être lu par toute personne qui s’interesse à la situation des enfants en danger qu’elle soit ou non « du métier ». Vous expliquez en phrases simples votre quotidien. Ce qu’est une mesure de placement ou encore une AEMO (action éducative en milieu ouvert) et une AED (action éducative à domicile) et j’en passe. Vous rappelez à vos lecteurs la place du juge et celle si particulière du travailleur social que vous êtes. Vous précisez au passage, l’air de rien, que ce n’est pas l’éducateur ni l’assistante sociale qui décide de tout, loin de là.
Il y a une grande pédagogie en oeuvre dans votre livre. Vous expliquez non seulement ce qu’est une enfant en danger mais aussi cette place si spécifique qu’occupe le travailleur social aussi bien du côté de l’enfant que de celui du ou des parents. En ce sens vous faites tomber des représentations et les idées reçues sur ce sujet. Vos récits de vie, d’expérience d’accueil et d’accompagnement que ce soit Helmut et Friedrich ces jumeaux dissemblables, Lison et Marine ou encore Amir, Anadan, Antoine, Wilfried et tant d’autres sont toutes aussi intéressantes les unes que les autres. Tous, sans exception, ont été sujets d’attention, de recherche de compréhension, et d’interventions portées par du sens et des valeurs. Cela se voit, se perçoit et se comprend dans votre livre.
Vous avez de si belles réussites à votre actif qu’il aurait été vraiment dommage de ne pas en parler. Mais vous savez aussi parler de vos « échecs », de vos insatisfactions. Tristan et Clarisse par exemple où vous avez eu le sentiment d’avoir été dupé. Oui, cela arrive parfois. Ces histoires qui ne se terminent pas bien nous en apprennent aussi beaucoup. Et puis non sans humour vous nous parlez aussi des ces gosses insupportables, ceux que certains nomment les « incasables » comme s’il s’agissait de les caser quelque part.
Vous savez décrire ce à quoi vous et vos collègues sont confrontés. Des gamins en souffrance certes, mais aussi des vies brisées, des parents totalement à coté de la plaque pour ne pas dire plus. Oui comme vous le dites et l’expliquez si bien « dans certaines situations, les forces à l’oeuvre nous submergent » « L’énergie destructrice dépasse notre capacité à impulser un nouvel élan ». Mais vous faites tout votre possible, tout ce que vous estimez être juste et adapté. Jamais à aucun moment vous ne jugez qui que ce soit et surtout pas ces parents qui, quand même (et entre nous), pourrissent la vie de leurs enfants et les marquent durablement.
Comment vous expliquer combien cet ouvrage est salutaire ? Je retrouve non seulement des situations similaires que j’ai pu rencontrer lorsque j’étais sur le terrain, mais aussi des réflexions que je pouvais me faire et partager en équipe. Vous ne travaillez pas seuls, celà se voit et se comprend. En vous lisant, j’ai envie de vous parler de Cathy qui avait mis en l’air toutes les tentatives de placement et qui s’en est plus tard admirablement sortie alors qu’elle avait été abusé dès son plus jeune âge par son père. J’aimerais vous présenter Christophe qui quand il est arrivé dans sa famille d’accueil sautait sur la table et grimpait sur les radiateurs, ou encore Jérémy qui s’est reconstruit dans la ferme qui l’a accueilli. Plus tard il a puisé suffisamment de force et de courage pour s’opposer à son père qui lui demandait de dealer avec lui…
Vous parlez de vos doutes, vos espoir et finalement de ce qui fait votre inquiétude : que sera la protection de l’enfance demain ? Oui, celle-ci est en pleine transformation. On ne compte plus le nombre de groupes de travail nationaux sur ce sujet. Et j’aimerais bien que ceux qui y participent lisent votre livre. Vous craignez que demain, malgré les discours, l’intérêt et la cause d l’enfant ne soient plus pris suffisamment en considération. Vous êtes à juste titre révolté sur le sort qui est fait aux mineurs étrangers et rappelez aussi ce manque de reconnaissance des professionnels de la protection de l’enfance. Tout cela vous le rappelez en conclusion de votre livre. Vous avez bien raison.
Pire même, vous « osez » affirmer que la protection de l’enfance et les travailleurs sociaux quoi qu’on en dise, protègent les enfants. A l’heure où les procès médiatiques laissent supposer le contraire votre témoignage est essentiel.
Je ne peux que conseiller à toutes celles et tous ceux qui veulent bien comprendre ce qu’est la protection de l’enfance de lire ce livre. Loin des discours, il prend le parti de raconter ce qui se passe réellement, simplement sans sensationnalisme, ni voyeurisme. Il traite des émotions mais pose la question de la bonne distance. Celle qui fait qu’un professionnel agit evec empathie de façon juste et raisonnée.
Laura et Christophe, quels beaux métiers vous pratiquez ! merci à vous !
Photo : couverture du livre « Du coté des enfants en danger » dessin signé Pavo
« Du côté des enfants en danger » par Laura Izzo, Christophe Anché, Éditions Des ÉQUATEURS
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Une réponse
Cher Didier Dubasque,
Nous avons bien reçu ta lettre, ça fait toujours plaisir d’avoir des nouvelles aussi chaleureuses.
Nous sommes heureux d’apprendre que tu as profité de tes vacances pour lire notre livre et qu’il a su te séduire.
C’est vrai que nous nous sommes efforcé d’y infuser quelques sortilèges à destination des lecteurs pour qu’ils prennent à cœur les histoires de chacun de ces enfants et de tous les autres. Si il peut sensibiliser le plus grand nombre au travail, aux difficultés et aux enjeux de la protection de l’enfance, alors un de nos objectif sera atteint.
Merci à toi.
Laura. IZZO. et Christophe. ANCHÉ.