« De la grande exclusion au pouvoir d’agir retrouvé »

Comment vous donner envie de lire le livre intitulé « De la grande exclusion au pouvoir d’agir retrouvé » de Carole Le Floch ? C’est la question que je me suis posé en refermant les pages de cet ouvrage passionnant et émouvant qui nous raconte le parcours à peine croyable de l’auteure. Elle remonte de loin.  Écorchée par les aléas de la vie, maltraitée et c’est peu dire, elle a rencontré l’indicible et l’innommable. Carole Le Floch débute son livre en nous donnant un coup de poing. Elle nous donne à voir les horreurs de la rue pour une femme qui tente de garder sa dignité dans un contexte qui conduit à l’inverse. La rue, c’est très violent et, en même temps, il est tellement compliqué d’en sortir.

Comme un duvet profond

Fort heureusement elle a su réagir ! C’est une prise de conscience violente et désespérée qui l’a conduit à ne pas accepter de sombrer là où d’autres pourtant intelligent(e)s et sensibles se sont fracassé(e)s. La rue est indigne et en même temps provoque un syndrome : celui du duvet profond : « ce que j’ai traversé » écrit-elle, « c’est la chute au fond de ce précipice, arrivée tout au bout, je me suis mise en boule dans le fond du duvet et j’ai gouté une nouvelle forme de bien-être » Plus rien ne compte ni n’existe, ni soi, ni les autres, ni le temps ni les lieux. L’auteure nous décrit avec clarté ces phénomènes si complexes de l’abandon de soi quand on n’a plus rien pour continuer de vivre.

Ce livre  mélange des réflexions par thèmes avec des incursions dans son  journal quotidien. Car Carole quoi qu’elle en dise (je la connais un petit peu) a trouvé, grâce à l’écriture, la force de résister. Elle a ainsi mis à distance ce qui la révolte, l’agace, l’énerve au plus haut point. C’est normal, quand on découvre son parcours, mais c’est aussi ce qui fait l’originalité de l’ouvrage : des allers-retours entre le présent et le passé. Il nous montre le chemin que l’on doit parcourir quand on revient de si loin.

Vive la pair-aidance !

Ce livre, mine de rien, nous en apprend beaucoup. Il ne faut pas s’attacher à  certains exemples plutôt qu’à d’autres. Chacun trouvera celui qui lui convient à travers ce parcours à peine croyable. Car les expériences et le vécu de l’auteure sont très riches et surtout très variés. Elle défend avec clarté la pair-aidance et nous rappelle à cette occasion combien il est compliqué de signer un premier contrat de travail. La peur « de se planter » est là, en tant que coordinatrice-pair cet emploi nouveau, trop peu encore mis en place dans nos institutions. Oui, il y a pour Carole de multiples raisons d’avoir peur. C’est dérangeant et ce n’est pas facile à surmonter, le lecteur le comprend bien.

Carole nous montre aussi que les structures qu’elle a côtoyées, dans lesquelles elle s’est investie ont gardé une dimension humaine à travers les rencontres, les échanges et les discussions qu’elle a pu avoir. L’auteure est sensible à cette dimension. Mais comme toute personne qui a été abimée par des relations toxiques, elle sait rester vigilante et reste parfois à cran, sur la défensive. La participation n’est pas une mince affaire. Parfois, dit-elle, il y a de quoi être dans le brouillard.  Elle a bien raison sur ce sujet. Mais qu’importe. Au sortir de la brume se dessine l’accès à la connaissance et à la reconnaissance de ce savoir du vécu. Beaucoup de structures sont citées, car celles et ceux qui les animent ont su se montrer à l’écoute : Le CCPA-CNPA, Le HCTS, L’IRTS Parmentier, l’UNAFORIS, l’Université de Créteil et j’en oublie. Quel univers quand on est parti de si loin ! Comment comprendre le langage de ces experts qui ont la fâcheuse habitude de ne se réunir qu’entre eux ? Là aussi on mesure le choc des cultures et des représentations. Carole va surmonter tout cela.

Se former est essentiel, se co-former encore plus

Ce livre est aussi un plaidoyer pour la formation. Plus précisément la co-formation qui libère et élève celui qui en bénéficie. Ce fut difficile pour Carole de co-intervenir, car les vieux démons demeurent ou du moins réapparaissent. La peur de ne pas être à la hauteur (on a tous connu ça) d’être raillé d’être disqualifié voir mal-traité. Ce sont des choses que l’on ressent moins quand on a été valorisé dès son enfance et que l’on a appris dès son plus jeune âge à cultiver l’estime de soi.

Il faut savoir regarder ce qui se passe au-delà la propre expérience de l’auteur pour apprécier pleinement cet ouvrage. Il est une mine d’informations sur ce vécu d’expérience dont les professionnels ont tous besoin de connaitre pour mieux prendre en compte les personnes qui vivent la grande exclusion.

Pour vous procurer cet ouvrage :

De la grande exclusion au pouvoir d’agir retrouvé Le journalyseur Carole Le Floch  Préface de Catherine Saint-Honoré. Collection : Presses de Parmentier

livre C. LeFloch

 

Photo : Carole Le Floch lors d’une rencontre à IdealCo en juillet 2021

Note : j’ai connu Carole Le Floch dans le cadre des groupes de travail du Haut Conseil du Travail Social

 

 

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