Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Le travail social en Grande Bretagne face à la pandémie : « Neuf heures du soir et mon ordinateur portable est toujours allumé  »

En Angleterre la Covid-19 a « brouillé » la vie personnelle et professionnelle des travailleurs sociaux, mais le travail entre les professionnels de différents services s’est amélioré. C’est un article du journal The Gardian qui le dit.

Le journal qui donne fréquemment la parole aux travailleurs sociaux anglais a réalisé une étude  partir d’un panel de plusieurs milliers de professionnels. Cette recherche, menée par Ipsos Mori , a  révélé que l’équilibre travail / vie personnelle était une préoccupation pour la moitié des près de 2200 travailleurs sociaux britanniques interrogés.

La crise Covid-19 est passée par là

Elle provoque chez certains travailleurs sociaux un travail tellement intense qu’il y a lieu de se questionner. La travailleuse sociale de terrain Jennie Hale, explique  qu’elle a travaillé de très longues heures au cours des six derniers mois pour essayer de faire face à sa charge de travail.  Ce qu’elle dit peut nous conduire à réfléchir sur les impacts de la Covid-19 sur notre charge mentale et professionnelle

Interrogée par Claire Horton, rédactrice de l’édition en ligne du Gardian elle explique que «Être à la maison devrait en théorie signifier un meilleur accès à votre famille. Vos heures de travail devraient être plus gérables, vous ne faites pas la navette », indique Jennie qui est  assistante sociale qui intervient en protection de l’enfance à Wandsworth, dans le sud de Londres.  « La réalité pour beaucoup de gens, en particulier pour quelqu’un comme moi, c’est [qu’il] est 9 heures du soir et mon ordinateur portable est toujours ouvert. » Bref elle est au travail à tout moment et dépasse largement les horaires habituels qu’elle pratiquait avant le télétravail. Depuis que le confinement a été imposé à Londres, Jennie Hale a vu presque tous les enfants de son effectif  par vidéo, remplaçant les interactions en face à face qui sont normalement le pain quotidien du travailleur social.

Beaucoup de travail mais en plus c’est à domicile…

« Ceux qui souhaitaient travailler de manière plus flexible n’avaient pas imaginé que les entretiens difficiles avec les usagers des services sociaux se  dérouleraient un jour chez eux ». Colum Conway, directeur général du régulateur Social Work England, pense que  les six derniers mois ont démontré qu’il était possible de passer à un travail flexible durable. «Alors ne ramenons pas les choses dont nous ne voulons pas [après la crise]»,dit-il. Pour lui, il faudra garder ce qui est bon et intéressant et éviter de revenir en arrière.

Diane Galpin, universitaire indépendante et membre associée  à l’Université de Bournemouth, a convenu que le travail à distance signifiait que le «travail émotionnel» des travailleurs sociaux se déroulait désormais chez eux. «Pour certaines personnes, c’est bien» dit-elle, «mais pour d’autres, c’est littéralement la cause de  problèmes à la maison, car justement revenir du travail en rentrant chez soi, c’est s’éloigner de la vie professionnelle. Et là ça n’est plus le cas.

Les gestionnaires et les employeurs devraient reconnaître les efforts des travailleurs sociaux  pendant la pandémie, estime Wayne Reid, responsable professionnel pour l’Angleterre auprès de la British Association of Social Workers  (BASW). «Très souvent, ils travaillent au-delà de leurs heures normales», dit-il. «Ils vont au delà attributions normales, et ont un volume de travail plus élevé.»

Pour Diane Galpin, le débat sur l’équilibre travail / vie privée et les pressions exercées sur les travailleurs sociaux ont détourné l’attention. «Cela peut aussi signifier des nuits blanches, de l’anxiété, de la dépression même, qui conduit à ne plus être émotionnellement disponible pour sa propre famille, sans parler des familles avec lesquelles nous travaillons ».

La Covid-19 a amplifié les difficultés liées à 10 années d’austérité

« Il est essentiel, pour réduire la pression sur les travailleurs sociaux, de s’attaquer aux causes profondes des problèmes rencontrés par les personnes qui font appel à eux. – Ces problèmes sont bien connus : le logement, la pauvreté, les inégalités mais aussi l’abus de drogues et d’alcool  » dit-elle

Wayne Reid insiste  « 10 ans d’austérité ont eu un impact énorme sur les services de santé et de soins sociaux. La situation a été exacerbée par le coronavirus. Il souhaite que soit lancé une campagne pour encourager l’investissement dans le travail social. En effet une personne sur cinq qui a participé à la recherche sur les vies sociales a déclaré qu’elle prévoyait de quitter la profession dans les cinq prochaines années.

La crise porte aussi sur le manque d’attractivité des métiers du travail social

Diane Galpin explique que certains travailleurs sociaux quittent leur emploi avant même d’avoir fini de régler leur dette étudiante. Jennie Hale confirme que certains démissionnent sans un nouvel emploi en vue. Pour Wayne Reid on n’est pas près de voir un retour à la normale de sitôt.  « Si les travailleurs sociaux continuent d’être adaptables, il est essentiel qu’ils aient accès au soutien dont ils ont besoin ».

Et nous en France, que pensons nous de la charge de travail, des interventions à la maison en télétravail ou vie professionnelle se mélange avec la vie personnelle et familiale ? Que penser aussi de cette difficulté récurrente de recruter de nouveaux travailleurs sociaux sans que l’on se penche réellement  sur les motivations  de départs de ceux qui interviennent depuis plusieurs années ?

Comme en Angleterre, les travailleurs sociaux en France ont besoin d’être soutenus.

Et cela ne peut pas passer que par les mots et les remerciements. Conditions de travail, effectifs, revenus, autonomie professionnelle… La liste est longue des thèmes sur lesquels il faudra bien un jour que les pouvoirs publics se penchent et apportent des réponses.

Et là pour tout vous dire, je me demande si ce sera le cas un jour.

 

Note j’ai traduit et résumé certains aspects de l’article de Clare Horton intitulé « Nine at night and my laptop is still open’: social work in a pandemic » et j’y ai aussi ajouté certains commentaires…

 

 

Photo créé par wayhomestudio – fr.freepik.com

Partager

Articles liés :

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.