Le Conseil National des Villes vient de publier un avis sur les « laissés-pour-compte du passage au tout numérique« . En voici l’essentiel . Il est très proche de certaines recommandations du groupe de travail que j’anime au sein du Haut Conseil du Travail Social. C’est sans doute parce ce que nos constats et les remontées de terrain sont similaires :
Les constats
1 Le Conseil National des Villes fait état d’un contexte de dématérialisation de l’accès aux services publics particulièrement contraignant et pénalisant pour les populations les plus fragiles (quartiers politique de la ville et territoires ruraux)
2. Le programme 100% numérique en 2022 n’est pas tenable : L’Etat a lancé son programme « Etat 2022 100% des démarches dématérialisées ». C’est un objectif très ambitieux qui, malgré beaucoup d’initiatives lancées par l’Administration, ne parait pas tenable.
3. Dans les quartiers politique de la ville, la défiance envers l’Etat et la perte de confiance des citoyens usagers dans les services publics ne peuvent être ignorées. L’accueil des services au public a été largement revu avec des fermetures d’agences, pour orienter les usagers vers des accès dématérialisés. Les guichets, les bornes ou accueils personnalisés ont conduit à une déshumanisation des relations et souvent à une dégradation du service rendu. Ainsi, beaucoup renonce à l’accès à leurs droits
4. Il y a encore un manque de cartographie et de mise en réseaux des acteurs, d’identification des lieux d’accueil et de diagnostics des besoins
5. Il se développe désormais des discours anxiogènes et de défiance envers le passage au tout numérique, sur la sécurisation des données et les règles de confidentialité.
« objectif : 0% de laissés pour compte »
Le CNV propose, que soit retenu pour décliner une politique publique dont l’ambition serait « 0% de laissés pour compte », les principes suivants :
L’Etat doit garantir le droit à l’accès numérique pour tous. Il s’agit désormais d’un droit commun opposable. Ce droit au numérique passe devant les autres car il permet de prétendre aux autres droits (logement, éducation, allocations familiales, emploi). L’Etat, doit afficher des objectifs nationaux clairs en priorisant les actions d’inclusion numérique et sociale sur les territoires et envers les publics les plus fragiles.
Les enjeux d’inclusion numérique et d’inclusion sociale doivent être pensés et traités conjointement, il ne peut pas y avoir d’impensés. Les actions d’accompagnement et de formation numérique et sociale ne peuvent pas se substituer.
Un accompagnement humain doit obligatoirement être préservé chaque fois que nécessaire et adapté aux réalités sociales et territoriales. Le numérique doit rester un outil qui ne doit pas se déployer aux dépens de l’accompagnement humain. L’accompagnement peut relever d’un service public, d’une association, d’un habitant.
La formation des publics doit intégrer les dimensions d’encadrement des dérives des usages d’Internet. Le numérique reste un outil dont l’utilisation doit être encadrée et sécurisée.
Enfin le Conseil National des Villes propose 4 axes stratégiques d’actions :
- Organiser et informer pour un droit à l’accès au numérique pour tous
- Financer les politiques publiques de médiation numérique et sociale
- Former les publics, définir l’accompagnement adapté pour les publics éloignés
- Accueillir et respecter le lien de proximitté
Cet avis risque de ne pas être suivi car il demande à l’Etat d’engager des moyens humains et financiers. Le rapport Borloo a été évacué par le président de la République car il demandait lui aussi des moyens conséquent à investir pour les banlieues. Malheureusement, on imagine mal comment il en serait autrement pour l’inclusion numérique. Mais on peut se prendre à espérer.
Au final la vraie question est : l’Etat, c’est à dire l’exécutif souhaite-t-il réellement mettre les moyens nécessaires pour éviter que l’exclusion numérique ne soit pas un facteur aggravant l’exclusion sociale ?
la photo est extraite du site du Commissariat Général à l’Egalité des Territoires ( CGET) elle présente l’assemblée plénière du CNV qui s’est réunie le 21 juin dernier. Cette assemblée a aussi adopté un autre avis sur la place des femmes et des jeunes filles dans les espaces publics des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV)