C’est un concept qui n’entrait pas dans mon vocabulaire, car il n’y a pas pour moi de « déviants » dans notre société mais plutôt des personnes qui mettent en oeuvre des stratégies en fonction de leurs intérêts, pour tenter de vivre selon leurs options. Pourtant ce concept a été théorisé et comme je dispose des éléments sur ce sujet grâce au rapport sur l’exclusion sociale de Christian Chasseriaud autant vous les communiquer…. Bien sûr nous pouvions tous « dévier » de notre route ou du chemin qui nous est assigné mais n’est ce pas là aussi une preuve de notre liberté ? Pas vraiment quand on aborde la question de la « déviance sociale » semble t il…
Mais d’abord de quoi parlons nous ? la déviance sociale est un effet de l’exclusion. Elle s’exprime dans l’écart entre les « normes exigées » pour s’insérer et l’éloignement de ces normes des populations qui sont dans de grandes difficultés sociales. Plus généralement La déviance est une notion de sociologie désignant des comportements non conformes aux normes sociales.
Si Franco Basaglia définit le déviant comme celui qui reste en dehors de la production, Jurgern Ruesch repère trois types de déviances (1) :
1. La déviance en tant que limitation de fonction : il est impossible de la part d’un individu déficient sur le plan physique ou psychique de participer à la vie sociale dont il est exclu. C’est une déviance secondaire suite à une difficulté primaire.
2. La déviance comme conséquence de l’absence de condition sociale nécessaire ainsi que du défaut d’éducation et de culture permettant l’instruction selon les ressources sociales exploitables. C’est une déviance secondaire due à l’absence d’un statut social qui demande des prédispositions indispensables.
3. enfin la déviance rencontrée chez les individus qui par état ou par choix sont exclus ou s’excluent eux-mêmes des relations sociales. C’est une déviance secondaire à la suite d’une exclusion imposée ou choisie.
Ce sont les deux derniers types de déviance qui se rencontrent chez les populations en grande difficulté.
selon le rapport de 1993 de Christian Chasseriaud » nous observons que notre société est de plus en plus exigeante dans le domaine du travail. Il y a là une contradiction qui engendre vraiment une déviance: cette même société est incapable de fournir à tous les individus qui le souhaitent et le peuvent un travail salarié. Vivant dans un monde qui donne au travail une valeur suprême, l’individu sans travail se trouve sans valeur, sans intérêt dans la vie, sans dignité aux yeux des autres et à ses propres yeux. Il est déchu parce que chômeur.
Quel comportement pouvons-nous attendre d’une personne qui se considère elle-même comme déchue parce qu’elle a fortement intégré les valeurs de notre société ? Si la déviance sociale augmente, c’est en partie à cause de cette contradiction entre la valeur proclamée du travail et l’absence de travail ! » …/…
il semble que la déviance s’institutionnalise: il y a une gestion de la déviance qui place le déviant à l’intérieur d’un réseau institutionnel. En ce sens, la déviance est plus qu’un événement singulier mais un mécanisme de classification qui risque d’enfermer le déviant dans une catégorie.
Notre société réagit en face du déviant soit par sa « suppression sociale »(réseaux d’exclusion), soit par sa soumission à un contrôle social qui a pour but de mettre le déviant hors d’état de nuire et de l’intégrer.
Le travail social est lui-même très lié à la manière dont la société traite ses problèmes de déviance. En ce sens, le travail social qui avait pour but de faire prendre conscience au groupe marginal de sa légitimité et de l’amener à prendre son destin en main a, aujourd’hui, une orientation différente: il essaie de réduire les conflits, d’aider à une meilleure adaptation, à une meilleure compréhension de ce que la société attend, de diminuer les inadaptations et d’empêcher les déviances ».
Il est vrai qu’aujourd’hui le « déviant » inquiète et, il est exclu des processus d’aides s’il ne respecte pas les règles du jeu. Nous l’oublions, les « déviants » ne peuvent accepter d’entrer dans les dispositifs. C’est même ce qui peut pour une part les caractériser. Le déviant est à l’image de notre société. il nous renvoie souvent une forme de violence à l’échelle de ce qu’il en reçoit.
(1) cité par Jacques ELLUL auteur de « Déviances et déviants dans notre société intolérante » – chapitre « esquisse d’une typologie de la déviance »
