Connaissez vous Théophile Roussel, le père de la protection des mineurs ?

[current_page_url]

Théophile Roussel est cet homme qui a été à l’initiative des toutes premières lois sur la protection de l’enfance.  Né en 1816 ce médecin et philanthrope entre assez rapidement en politique. Élu conseiller Général puis député en 1860 , il fait adopter une loi en 1873 pour lutter contre un fléau de l’époque qui en est encore un aujourd’hui : l’alcoolisme. 3 ans auparavant il avait publié une étude intitulée « De l’éducation correctionnelle et de l’éducation préventive. Étude sur les modifications à apporter à notre législation concernant les jeunes détenus et les mineurs abandonnés ou maltraités« . Il fut à l’origine des lois contre l’ivresse publique, pour la protection des aliénés, la protection de l’enfance et l’assistance médicale gratuite.

Dans son étude, on apprend que les enfants qui étaient emprisonnés avec les adultes posaient un cas de conscience au roi Louis XVIII. Il est fait état d’ une Ordonnance du 18 août 1814, dans laquelle  on lit, que «s’étant fait rendre compte de la situation des jeunes condamnés et sachant que répartis dans plusieurs prisons, ils y sont confondus avec les coupables vieillis dans le crime». Le roi considère «que ces jeunes condamnés plus susceptibles que les autres de reconnaître leur erreur et de mériter de rentrer dans la société, non-seulement sans danger, mais en étant dignes d’y reprendre un rang, doivent être l’objet de sa sollicitude». Le roi avait demandé en conséquence des mesures qui ressemblent moins à une réforme qu’à une expérience, puisqu’elles ne devaient s’appliquer qu’à cent jeunes condamnés. Oui dès 1814 il fallait passer par l’expérimentation avant toute généralisation. Nous n’avons rien inventé à ce sujet.

Pour autant, la loi qui aborde la situation des mineurs délinquants remonte à  la révolution française. En  1791 les auteurs du code pénal formulèrent en ces termes l’article 2 de la  loi  : «Si les  jurés décident que le coupable (âgé de moins de seize ans) a commis le crime sans discernement, il sera acquitté du crime; mais le tribunal pourra, suivant les circonstances, ordonner que le coupable sera rendu à ses parents, ou qu’il sera conduit dans une maison de correction, pour y être élevé et détenu pendant tel nombre d’années que le jugement déterminera et qui toutefois ne pourra excéder l’époque à laquelle il aura atteint l’âge de vingt ans.»

Il y avait aussi la dureté des conditions de travail des enfants : une loi de 1841, permettait de les mettre au travail 8 heures  par jour entre l’âge de 8 et 12 ans. Ce temps était  limité à 12 heures par jour pour les adolescents  de moins de 16 ans.

Théophile Roussel se consacra spécialement à l’étude et à la discussion de questions sur la protection des enfants abandonnés, les conditions du travail dans les manufactures et de la législation des « aliénés »; on remarqua beaucoup le rapport qu’il publia sur ce dernier sujet.

En 1908 Gaston Bonet-Mory écrivit dans la revue des deux mondes sur l’oeuvre de Théophile Roussel  : « Sous l’impulsion de ce dernier, on s’est, depuis 1871, occupé avec zèle du sauvetage de l’enfance maltraitée ou en danger moral ; crèches, asiles, garderies se sont multipliés ; le placement familial à la campagne, soit permanent, soit pendant les vacances, s’est développé sur une large échelle. Ce mouvement d’opinion en faveur de l’amélioration du sort des enfants est devenu si fort qu’il a entraîné le Parlement et, depuis 1889, les représentants du pays ont complété la législation sur l’enfance par des lois nouvelles ou corrigé les anciennes dans un sens plus humain. C’est ainsi qu’en 1893, il déposera et fera adopter un projet de loi sur l’assistance médicale gratuite».

Réélu au premier tour des élections de 1897, il consacrera ses dernières forces à la rédaction d’un rapport sur le service des enfants assistés. La loi de 1904, dont les rapporteurs au Sénat ont été Théophile Roussel et après sa mort le Dr P. Strauss, fut préparée par de mûres délibérations au Conseil supérieur de l’Assistance publique (1890-91). Le législateur a élevé de seize à vingt et un ans la limite d’âge à laquelle des enfants peuvent être mis sous la tutelle de l’Assistance publique, et divisé en trois catégories les pupilles susceptibles de lui être confiés.

  • La première est celle des enfants secourus et en dépôt, c’est-à-dire de ceux que la mère ne peut nourrir, faute de ressources et pour l’entretien de qui elle reçoit un secours temporaire, et de ceux que l’Assistance publique recueille pendant que leurs parents sont à l’hôpital ou en prison.
  • La deuxième comprend les enfants en garde, ou ceux qui sont confiés à l’Assistance publique en vertu des articles 4 et 5 de la loi du 19 avril 1898. Pour ceux-ci, les parents restent tenus à la dette alimentaire : la mise en garde provisoire est prononcée par le juge d’instruction, elle ne devient définitive qu’après jugement du tribunal.
  • La troisième catégorie comprend les Enfants trouvés ou abandonnés, les Orphelins pauvres, les Enfants maltraités, délaissés ou moralement abandonnés. C’est de beaucoup la plus nombreuse : le chiffre de ces enfants s’élève à 160 000 environ pour toute la France ; ils sont mis sous la rubrique : Pupilles de l’Assistance.

Jusqu’à sa mort Théophile Roussel fut un homme du consensus prêt à accueillir toutes les voix pour faire passer les textes de protection de l’enfance qu’il ne cessa de proposer. Il meurt  à l’âge de 87 ans Il lègue à sa ville natale sa maison paternelle, devenue mairie, sa bibliothèque de 5000 volumes et une somme importante permettant l’édification de l’Hôpital-Hospice Théophile-Roussel. Sans doute en hommage à sa loi sur la protection de l’enfance, le buste de Théophile Roussel figurait sur le diplôme des nourrices.

Il ne fut pas le seul à promouvoir la protection des enfants à une époqueRené Bérenger, Henri Rollet  ou encore Paul Strauss étaient de ceux qui se sont élevés  très tôt pour la protection de l’enfance et de l’adolescence. Certes,, ils étaient issus de la bonne société, médecins et avocats, journalistes mais aussi humanistes malgré la défense de leur propre milieu social qui prônait le libéralisme économique et politique.

« l’humanité et l’intérêt social (…) ne font qu’un avec l’intérêt de l’enfant »

Ajout : Dans un article consacré aux 70 ans de la PMI, Yves Faucoup sur son blog consacre un passage à Théophile Roussel. Il est particulièrement intéressant. Il  nous parle de  la loi Roussel du 23 décembre 1874. « ce député venu de Lozère, dont il présidait le Conseil général, montrait ainsi que la sauvegarde de l’enfance n’était pas le cadet de ses soucis. En effet, sa loi prévoit déjà des visites à domicile, des consultations de nourrissons, elle organise des crèches et des « gouttes de lait » (conseils d’hygiène sur l’utilisation des biberons et dons de lait aux familles pauvres). Elle s’adresse à tous les enfants, et pas seulement aux plus miséreux. Elle symbolise une Troisième République qui prend la mesure de la place nouvelle de l’enfant dans une famille valorisée par Frédéric Le Play ». Et aussi « Théophile Roussel défendra la loi de 1898 sur les violences commises sur les enfants. Dans un rapport cette année-là, il écrit que « l’humanité et l’intérêt social (…) ne font qu’un avec l’intérêt de l’enfant« , ajoutant que, des enfants sauvés, il fallait « en faire des gens sains, honnêtes et laborieux« .

Photo : gravure de Théophile Roussel, publiée par wikipedia

Note : j’ai publié cet article initialement le 19 février 2018. C’est en lisant un commentaire sur ce sujet que je me suis dit qu’il pouvait être utile de vous le proposer à nouveau

 

Articles liés :

2 réponses

  1. Bonjour,
    je suis doctorant à Sorbonne-Université et mon sujet porte sur la biographie de Théophile Roussel.
    J’aimerais que nous échangions. et vous poser quelques petites questions.
    Au plaisir de parler de tout cela avec vous.
    Bien cordialement.
    Cédric Maurin

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.