Le bénévolat, cette activité où une personne offre son temps et ses compétences sans attendre de rémunération, est profondément ancré dans le tissu social français. Un article de Sebastien Poulain publié sur le sites The Conversation, nous apprend que la France compte près de 21 millions de « participations bénévoles », ce qui équivaut à 580.000 emplois à temps plein. Imaginez un instant : c’est comme si une ville entière, grande comme Marseille, se consacrait entièrement au bénévolat. Impressionnant !
« Ce sont près de 21 millions de participations bénévoles qui irriguent le monde du bénévolat selon l’Insee. » – Sebastien Poulain
Pourquoi tant de personnes choisissent-elles de s’engager ?
La montée du bénévolat en France n’est pas un phénomène nouveau. Depuis des décennies, de plus en plus de Français choisissent de s’engager. Mais pourquoi, ? L’auteur explique que plusieurs raisons motivent cette décision : « Un désir d’aider les autres, une recherche de lien social, d’être un citoyen actif ou de militer ». Prenons l’exemple d’une personne qui décide de rejoindre une association de protection de l’enfance. Elle ne le fait pas pour l’argent, mais parce qu’elle croit profondément en la cause et souhaite contribuer à un avenir meilleur. C’est mettre ses idées en cohérence avec ses actes. Une pratique souvent difficile à mettre en œuvre au travail.
Les jeunes : l’avenir du bénévolat
Contrairement à l’image traditionnelle du bénévole retraité, une nouvelle vague de jeunes s’engage activement. Poussés par des initiatives comme le « service civique » ou attirés par des missions accessibles en ligne, ils apportent un souffle de renouveau au monde associatif. Et c’est plutôt une bonne nouvelle. On continue en effet à entendre de nombreux responsables d’associations une plainte sur le manque d’engagement de leurs adhérents.
Mais c’est plutôt lié à la difficulté de s’engager dans des instances dirigeantes avec de lourdes responsabilités. Les jeunes souhaitent autre chose. Des engagements bien identifiés qui ne leur prend pas tout leur temps. Ils ont raison. Ils apportent avec eux une énergie, une passion et des idées nouvelles. Et puis c’est aussi avec un autre intérêt comme le souligne Sébastien Poulain, « les plus jeunes peuvent vouloir acquérir une expérience et un meilleur CV, mais aussi travailler pour une mission qui les attire ». Au final l’idéal serait de pouvoir mixer ce double public jeunes et retraités. un mélange de générations. Les uns apportant leur énergie, les autres leur expérience.
L’État et le bénévolat : un partenariat gagnant ?
L’État ne reste pas en marge de cette tendance. Au contraire, il la valorise, car c’est tout bénéfice pour lui aussi. Les bénévoles ne sont pas rémunérés alors que nombreux sont ceux qui assument des missions de service public ou d’intérêt général. Ce soutien passe par des avantages fiscaux aux associations et la délégation de certaines missions à des structures bénévoles. La plate-forme « jeveuxaider.gouv.fr » est un exemple concret de cette initiative. Lancée pour faciliter l’engagement bénévole, elle est un pont entre ceux qui souhaitent aider et ceux qui ont besoin d’aide.
L’Exploitation des bénévoles : un phénomène inquiétant
La professionnalisation croissante des bénévoles peut brouiller les lignes entre travail rémunéré et bénévolat. De plus, il est crucial de veiller à ce que ceux qui interviennent gratuitement ne soient pas exploités. Certains critiquent à juste titre leur utilisation excessive, voire leur « exploitation ». Selon Nicolas Da Silva et Pascale Molinier, auteurs de travaux sur le bénévolat et le volontariat, le bénévolat est de plus en plus analysé comme une forme de travail. Cette situation soulève des questions sur la frontière entre l’action désintéressée et le travail rémunéré. Dans certains cas, le rapport des bénévoles à l’emploi détermine les dynamiques de leur engagement, au point où leur expérience bénévole est alors vécue comme un sous-emploi.
L’engagement bénévole est parfois vu comme une carrière parallèle, une alternative à la carrière professionnelle. Cela peut conduire à des inégalités au sein même des activités associatives. D’un côté, il y a des bénévoles intégrés dans le monde du travail qui trouvent du sens et des ressources dans leur engagement. De l’autre, il y a des individus en difficulté vis-à-vis de l’emploi, qui n’ont pas d’autre choix que de travailler sans rémunération. Pour ces derniers, le bénévolat peut s’apparenter à un sacrifice plutôt qu’à un choix éclairé. De plus, l’État et certaines associations peuvent instrumentaliser le bénévolat pour répondre aux besoins en postes, masquant ainsi les véritables enjeux derrière sa valorisation.
La frontière entre travail bénévole et travail rémunéré devient alors ténue. Dans certaines associations notamment à vocation caritatives, des professionnels sont désormais attendus pour offrir gracieusement une partie de leur expertise, soulevant des interrogations sur la valorisation du travail. C’est vraiment problématique.
Et pourtant…
Le bénévolat est un reflet puissant de la solidarité et de l’engagement citoyen. Il symbolise la volonté des individus de contribuer au bien commun et d’enrichir la société. Pour autant il est essentiel de reconnaître que tout engagement, même avec les meilleures intentions, nécessite des compétences, une formation et une réflexion.
Être bénévole ne signifie pas simplement donner de son temps. Cela implique aussi de savoir agir avec discernement, éthique et respect. En effet, sans les bonnes compétences ou la bonne approche, un bénévole peut involontairement causer plus de tort que de bien. C’est pourquoi il est crucial de valoriser la formation et l’accompagnement des bénévoles.
Un engagement à double tranchant
Le bénévolat est une force vive, un élan de générosité qui façonne notre société. Il est le reflet d’une nation engagée, solidaire et désireuse de construire un avenir meilleur. Il s’oppose souvent à la société du profit et de l’égoïsme. Oui, mais voilà, si l’engagement bénévole est une source inestimable d’énergie et d’innovation, il est également sujet à des dérives potentielles, notamment lorsque la frontière entre bénévolat et travail rémunéré s’estompe.
Il est donc essentiel de veiller à ce que cet engagement, porté par des millions de Français, soit reconnu, valorisé, mais aussi encadré. Car si le bénévolat est une richesse, il ne doit pas devenir un moyen d’exploitation ou une alternative bon marché au travail rémunéré. Il s’agit de trouver le juste équilibre entre la valorisation de cet engagement et la protection de ceux qui s’engagent. Ainsi, le bénévolat pourra continuer à être cette pratique qui illumine notre société.
Source :
- Festivals, associations, services publics : les bénévoles font-ils tourner la France ?| The Conversation
- Le travail bénévole, miroir du capitalisme ? | Nouvelle revue de psychosociologie 2021/2 (N° 32), via CAIRN
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