Des pantalons intelligents aux robots humanoïdes, les développements technologiques pourraient révolutionner la protection sociale. En Angleterre, les salariés du secteur expriment des inquiétudes.
L’année dernière, Southend-on-Sea dans le Comté d’Essex est devenu le premier conseil britannique à employer un robot humanoïde pour aider les personnes âgées dans certaines activités. Pepper le robot peut jouer à des jeux de mémoire et montrer des vidéos . Il aide à organiser des activités de réminiscence et propose des séances d’exercices.
C’est un aperçu des choses à venir. La technologie joue un rôle de plus en plus important dans le secteur des soins de santé, en particulier en raison de la surcharge de travail et du vieillissement de la population (en Angleterre, une personne sur quatre aura plus de 65 ans d’ici 2050). Le secrétaire à la santé et aux affaires sociales, Matt Hancock, s’est récemment engagé à explorer de nouvelles technologies qui pourraient révolutionner les soins de santé et les services sociaux .
Mais comment les nouvelles technologies vont-elles influencer les futurs emplois ?
«Il se peut que vous ayez un technicien travaillant dans une maison de retraite… [ou] un professionnel de la santé qui gère les soins, mais les soins eux-mêmes seront délivrés par des appareils», explique Jonathan Rossiter, professeur de robotique au Bristol Robotics Laboratory. Le personnel pourrait collaborer avec les développeurs pour améliorer la technologie, explique-t-il. Il ajoute: “C’est un moyen d’atténuer la peur de cette évolution, de voir que c’est quelque chose qui peut aider.” il cite en exemple les technologies utilisées dans les vêtements des résidents. Ainsi par exemple un des projets de son laboratoire fait appel à des pantalons intelligents intégrant des muscles artificiels (surnommés «le pantalon adéquat» ) conçus pour les personnes à mobilité réduite.
Three Sisters Care , une agence de soins à domicile pour les entreprises sociales basée à Londres, vient de prendre part à un projet de recherche de trois ans avec le Bristol Robotics Lab. Le travail, qui consiste à concevoir un système robotique modulaire intelligent pouvant aider les personnes à rester autonomes plus longtemps. Ce projet en est à la phase de validation du concept. La machine occuperait plusieurs positions autour de la maison et pourrait potentiellement aider les gens de toutes les situations, de se lever d’une chaise à se préparer le matin à la préparation d’un repas.
Le directeur général de cette agence, Jason Lamont, estime que les 300 membres du personnel ont déjà intégré la technologie à leur travail, par exemple en effectuant des évaluations de soins sur des tablettes et non sur papier. Il ajoute: «Autrefois, le personnel téléphonait pour prouver qu’ils étaient arrivés ou qu’ils avaient quitté un rendez-vous… tout se fait désormais via une application et des scanners.» Il y a un an, Three Sisters Care a engagé un agent de surveillance pour vérifier que la technologie est à jour et s’assurer que le personnel arrive à temps pour les visites de soins. (Ce type de service existe aussi en France. Cela relève des technologies de surveillance des salariés : dans certains services, les aides à domicile utilisent leur smartphone pour « scanner » leur passage via une puce placée sur la porte de la personne à visiter)
Le rôle de la technologie dans le secteur des soins suscite des préoccupations.
La crainte est que les robots ne prennent le contrôle des emplois humains. Autre préoccupation, l’éthique de l’utilisation de la technologie automatisée pour les soins personnels ou le soutien affectif est particulièrement préoccupante.
Donald Macaskill, directeur d’une association indépendante « Scottish Care », a récemment publié un rapport, « Tech Rights », qui analyse l’impact éthique de l’utilisation accrue de la technologie dans les soins. Le rapport appelle le gouvernement écossais à financer et à soutenir une charte éthique de la technologie fondée sur les droits de l’homme.
Tout en reconnaissant le potentiel de la technologie, Donald Macaskill soutient qu’il devrait y avoir davantage de discussions sur le droit d’être soutenu par une personne plutôt que par une machine, ainsi que sur les implications de la collecte de données. Les préoccupations concernent aussi «la perte de contrôle des décisions prises par des machines, la perte de contact et de présence humaines ». Pour les travailleurs sociaux, les préoccupations incluent le contrôle du travail effectué : le travailleur peut se sentir comme s’il était « étiqueté électroniquement ».
Une évolution des pratiques professionnelles des travailleurs sociaux est à prévoir
Donald Macaskill estime qu’il faut débattre du cadre moral dans lequel la technologie est utilisée, en particulier pour les plus vulnérables. «Avons-nous le droit aux soins humains ? Voulons-nous qu’une machine tienne nos mains lorsque nous mourrons ? La machine a-t-elle la capacité intuitive de connaître notre peur et d’apaiser notre anxiété ? Ce sont ces questions qui sont au cœur du débat que nous devons avoir sur les droits de l’homme et la technologie.”
Les développeurs et promoteurs des produits à la pointe de la technologie en matière de soins soulignent que rien ne peut remplacer le contact direct offert par les travailleurs sociaux. Selon un récent rapport de la RSA, les solutions émergentes sont plus susceptibles de modifier les emplois existants que de les éliminer.
Des discours qui se veulent rassurants
Carey Bloomer est directrice générale de « Marches Care », qui gère une maison de retraite de 81 lits située à Shrewsbury. Elle estime que la technologie devrait renforcer le rôle d’un travailleur social, et non le remplacer. Elle cite en exemple la situation d’une personne qui a survécu à un AVC important. Âgée de 70 ans cette personne a récemment skypé sa fille en Italie avec le soutien de son assistante sociale.
La structure utilise un logiciel de gestion des soins et dispose d’un système de partage de données avec le NHS (équivalent de la sécurité sociale en France). Le personnel du foyer, spécialisé dans les soins de fin de vie, les soins infirmiers et la démence, enregistre également les taux d’occupation des lits et les médicaments par voie électronique. Carey Bloomer explique que «Le personnel soignant utilise un outil de soins mobile, il dispose donc d’un téléphone dans lequel il entre directement ses soins. Cela réduit le temps passé à documenter ce qu’ils font, afin qu’ils puissent passer du temps à parler aux résidents. »
Mick Ward, responsable de la transformation et de l’innovation en direction des adultes et de la santé, au conseil municipal de Leeds, n’envisage pas une prolifération soudaine d’emplois technologiques dans les foyers de demain, « mais peut-être que parmi les très gros fournisseurs comptant des dizaines de foyers dispersés dans le pays, il pourrait bien y avoir un côté spécialisé dans les fonctions de back-office telles que la gestion des dossiers de soins ou la gestion des médicaments”
Praminda Caleb-Solly, professeure en robotique assistée et technologies de la santé s’attend à ce qu’i y ait «plus de personnel travaillant dans le secteur des soins de santé». Son équipe de recherche élabore de nouveaux programmes d’études pour doter la prochaine génération de personnel soignant des compétences nécessaires pour utiliser des solutions de santé assistées robotiques et numériques en cours de développement. Elle affirme que les nouvelles technologies faciliteront le recrutement de personnel soignant : «L’incorporation de la technologie, qui soutient et aide leur travail, pourrait non seulement le rendre plus attrayant, mais permettrait également d’attirer des personnes ayant une gamme d’autres facteurs de compétence dans les soins. «
Note : cet article est une traduction personnelle de « The rise of technology in care : how will it affect workers ? » écrit par Saba Salman pour le journal anglais « The Gardian » J’ai ajouté les intertitres et un commentaire en italique