Autant le dire tout de suite, il existe de nombreuses assistantes sociales qui estiment que leur profession ne relève pas de l’expertise mais plutôt d’un ensemble de connaissance qui leur permet de travailler avec des personnes en difficulté. Je souhaite vous faire partager le travail de recherche de Régis Robin formateur à l’ARIFTS. Il est allé à la rencontre de dizaines d’assistants sociaux dans le cadre de sa recherche. Il les a interrogé individuellement et collectivement. Il sait de quoi il parle. Il a aussi tenté d’identifier les domaines qui entrent dans le champ de l’expertise des assistants sociaux. Car leur expertise existe bel et bien quoi qu’ils (ou qu’elles) en disent.
Qu’est-ce que l’expertise sociale ?
C’est un art ! Rappelons en quelques mots ce qu’elle représente à partir de l’approche de Régis Robin. Le formateur explique que l’expertise sociale est un « art » notamment lorsque l’assistant social apporte un avis circonstancié dans un écrit professionnel qui traite d’une situation.
« Nécessitant, en termes de compétences, le recours à des savoirs théoriques, procéduraux, de savoir-faire et de savoir-être, l’expertise sociale est un « art » qui convoque des habiletés plurielles et des savoirs multiples» écrit-il « Elle est une lecture analytique des réalités vécues et exprimées de façon singulière et collective, qui permet de donner un avis circonstancié (mobilisant des compétences en termes de communication) basé sur des connaissances empreintes de l’expérience, des expériences, considérant le processus de l’intervention sociale dans des rapports espaces – temps ».
«L’expertise sociale ne peut donc pas proposer une image figée de la réalité, elle-même mouvante. Elle peut en décliner une photographie à un instant T dans et sur espace donné, et doit considérer l’histoire tout en envisageant l’avenir, le mouvement, dans son essai de compréhension. Articulant besoin social, demande sociale, commandes publiques et intervention sociale, elle est ainsi nourrie de ces différents paramètres inscrits dans le registre de conflictualité» .
Ces différentes dimensions s’interpénètrent, s’entrechoquent, cela se traduit aussi par des tensions que l’assistant de service social gère et assume sans penser que cette capacité là vaut aussi expertise.
Savoir présenter un film et ne pas se limiter à décrire une photo
Je dirais pour ma part que cette expertise si particulière est beaucoup plus que la description d’une situation à un moment « T » comme une photo. L’assistant(e) de service social présente dans ses écrits et ses rapports des situations des mouvements. Il les fait vivre, il décrit la vie avec ses contradictions, ses incertitudes et ses moments clés, l’avant et l’après, les évolutions. Ce n’est pas une photographie, c’est plutôt un film, qui conduit le décideur à comprendre finement où se situe le problème et quelles solutions peuvent être trouvées. Car l’expertise se traduit aussi par la capacité des professionnel(le)s à donner un avis circonstancié. Je parle de tout cela aussi en connaissance de cause. J’ai lu des dizaines et des dizaines de rapports dont certains m’ont permis de comprendre en quoi et comment leurs rédactrices sont des expertes dans ce domaine. (J’écris au féminin car quand même la profession est à près de 95% constitué de femmes)
Régis Robin continue : « L’expertise sociale est inévitablement en mouvement, rappelle-t-il. « elle se combine avec différentes formes d’expertises, médicale, économique, territoriale, et associe celles-ci dans sa définition. A partir de l’expérience, des observations et analyses, elle se décline et se présente comme une évaluation de l’actualité sociale et de l’impact social des évolutions sociétales et des politiques publiques dans la perspective de mieux envisager le vécu des concitoyens ». Ceci mérite une explication qu’il présentera lors de la soutenance de sa thèse.
Passons certains autres éléments pour aller directement sur un autre aspect : L’expertise sociale est « un acte technique, un acte de recherche et un acte politique, [et ce] faisant un acte de professionnalisation et de reconnaissance pour la profession d’Assistant(e) de Service Social.
L’usage de cette expertise sociale que l’auteur décrit comme « située » se présente « comme une compréhension d’une réalité sociale territorialisée, permettant d’éclairer les décisions en matière de politiques publiques, signe d’ingénierie sociale, pour envisager de la créativité, de l’innovation sociale. »
Cette compétence si particulière de décrire une situation, d’en présenter les évolutions en croisant des éléments aussi divers qui sont sur le schéma ci-joint vaut bien expertise. Dommage que celle-ci ne soit pas suffisamment reconnue
Voici le schéma élaboré par Régis Robin qui reprend les éléments constitutif de l’expertise des assistant(e)s de service social (merci de citer l’auteur de ce schéma si vous l’utilisez) :
Vous pouvez lire « L’expertise sociale • La définir pour l’agir ? » de Régis Robin paru en mai 2016 aux éditions Chroniques Sociales avec ici une critique de l’ouvrage par Jacques Tremintin parue dans Lien Social
Photo : Régis Robin auteur de la thèse « La profession d’assistant(e) de service social : une expertise sociale dans les territoires ? » présentée et soutenue à Angers, le 07 décembre 2018
Note : je suis en lien avec l’ARIFTS en tant qu’administrateur de l’association (secrétaire) ce qui peut expliquer une certaine proximité d’idées de ma part. Régis Robin est aussi allé pour son travail de recherche à la rencontre d’équipes d’assistantes sociales de Saint Nazaire et de Nantes alors que je travaillais en tant qu’encadrant de ces professionnelles (à Saint Nazaire).
3 Responses
Je suis assistante sociale guinéenne et je souhaiterais être en contact avec des collègues pour échanger. Merci
Bonjour
Je m’appelle Rahma, j’exerce en tant qu’éducatrice spécialisée en France.
« Collègues indirect #☺️, les objectifs professionnels restent les même.
Le bien-être et l’épanouissement des personnes accompagnées.
Bref, je serai ravie de correspondre avec vous si vous l’acceptez.
Cordialement,
Rahma. C