Revenons sur une question de sens en ces fêtes de fin d’années alors que vous êtes sollicité(e) pour donner aux associations caritatives et de lutte contre les maladies ou les inégalités. Qu’est-ce qui, selon vous, distingue le travail social de l’acte de charité ? C’est sans doute lié à la question du don sans contrepartie. Mais il y a aussi d’autres dimensions à prendre en compte…
L’acte charitable, n’est pas négatif loin de là. Il a ses lettres de noblesse puisqu’il s’agit de donner sans contrepartie. Ainsi de nombreuses associations font appel à votre sens du don et à votre compassion pour soutenir leur action au point qu’il existe aujourd’hui un comparateur en ligne des associations caritatives pour savoir à qui donner
Le travail social est tout autre chose : Certes les travailleurs sociaux « donnent » de leur savoir être et savoir faire pour aider et soutenir les personnes les plus exclues. Ils le font en faisant appel à la méthodologie, à leurs connaissances acquises issues des sciences sociales, à la formation initiale et continue, ainsi qu’à leurs expériences. Ils sont rémunérés pour cela. Mais direz-vous les bénévoles ne le sont pas alors qu’ils peuvent tout autant s’engager dans différentes actions qui relèvent du travail social Certains parlent alors d’intervention sociale estimant que seuls les professionnels rémunérés assurant des missions de service public au sens large du terme font du travail social ce qui à mon avis est discutable. Aujourd’hui les bénévoles se forment aux pratiques du travail social et de nombreuses associations refusent d’être cantonnées dans des logiques de charité.
Ce n’est donc pas le fait d’être salarié qui distingue le travail social de la charité. A mon sens le travail social s’il relève par certains aspect du don de soi vers l’autre n’a pas forcément à être assorti de compassion (dont de nombreuses personnes aidées ne veulent pas d’ailleurs).
Le travailleur social attend une contrepartie explicite de la part de la personne aidée. En ce sens le travailleur social n’est pas là pour donner. Il est là pour apporter à la personne et aux groupes les moyens de se libérer de certaines entraves et de prendre place au sein de la société alors qu’ils en sont exclus. Du SDF au sans papier, en passant au jeune en déshérence ou la victime de violences familiales… c’est bien la question de la libération du sujet contraint dont il est question. Dans notre société les contraintes pour pouvoir vivre de façon autonome sont telles qu’il existe une place pour le travail social sans précédent. C’est pourquoi toute personne peut, comme pour le soin en matière de santé, avoir besoin d’être soutenu par un travailleur social. (soutenu ou protégé selon certaines situations).
Au final ce qui distinguerait la charité du travail social est bien dans la finalité de l’acte et l’attente ou non d’un retour face à un don. Mais nous savons aussi depuis Marcel Mauss grâce à son livre Essai sur le don, le don en tant qu’acte social sous entend les règles : donner, recevoir et rendre (par le contre-don : « potlatch ») : Que penser aujourd’hui du fort développement du « crowdfunding » lorsque aucun retour n’est attendu ?
- l’acte fondateur est un don, c’est à dire la reconnaissance de l’autre en tant qu’un autre « soi même »
- le deuxième acte comprend l’acceptation du don, le receveur reconnaissant ainsi la valeur du don pour son propre usage mais cela le met en situation d’infériorité. Il a une dette symbolique au regard de celui qui l’aide.
- le troisième acte élimine une différence de valeur entre celle que lui accorde le donateur et celle que perçoit le receveur. Cela revient à annuler la valeur matérielle de l’échange pour mettre en avant la valeur sociale du don.
Le don se base donc sur une valeur de sociabilité primaire : la réciprocité, en ce sens il fait lien social. La charité n’attend aucune contrepartie, c’est ce qui en fait sans doute sa force. Quant au travail social il en attend un ou plusieurs retours: l’accès ou le maintien d’un droit, une reconnaissance du sujet ou du groupe dans la société, une libération face à une contrainte interdite par la loi… Bon il faudrait sans doute creuser cela avec plus de références bibliographiques, mais je pense ne pas trop être dans l’erreur sur ce sujet.
En tout cas en ces temps de fêtes n’hésitez pas à donner si vous le souhaitez même sans contrepartie !
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Une réponse
« Ce n’est donc pas le fait d’être salarié qui distingue le travail social de la charité. »
« Le travailleur social attend une contrepartie explicite de la part de la personne aidée. »
La contrepartie explicite du travail du travailleur social, c’est son salaire, et c’est ce qui le distingue de travail charitable.
Et la « personne aidée » n’est redevable qu’à condition qu’elle soit véritablement aidée. Le travailleur social devrait être assez modeste et réaliste pour ne pas l’endetter psychologiquement vis-à-vis de lui. Il a fait son boulot, c’est tout. Il n’a pas de vertu plus grande qu’un coiffeur, qu’un égoutier,qu’un cultivateur, qu’un infirmier, qu’un conducteur de car etc. Qu’est-ce que c’est que cette idée que lui, il aurait à demander encore autre chose à son « client », qu’il considère d’ailleurs souvent plutôt comme son « objet de travail » ? Ce n’est pas la « personne aidée » son patron, et ce n’est malheureusement pas à lui qu’il a à répondre de sa compétence ou performance. D’où bien souvent les rapports mensongers et d’autogratulation qu’ils présentent aux juges. Les familles servent à le mettre en valeur, et elles sont bien son intérêt secondaire. Faites-vous donc partie de ces travailleurs sociaux immature psychologiquement. et si destructeurs et dangereux pour les familles ?