La pauvreté est un fléau qui touche des millions de personnes à travers le monde. En France également, où les solutions pour y remédier semblent souvent hors de portée. Esther Duflo, économiste et lauréate du prix Nobel, a récemment abordé début septembre cette question complexe lors d’une interview sur France 24. Ses réflexions offrent un éclairage intéressant sur les origines de la pauvreté, les moyens de la combattre. Elle parle aussi de son interaction avec les grandes crises mondiales. Cet article se propose de décortiquer ses idées et de les mettre en perspective.
La pauvreté structurelle
Selon Esther Duflo, la pauvreté n’est pas seulement le résultat de circonstances économiques défavorables. Elle est généralement enracinée dans des structures sociales et économiques qui limitent l’accès aux ressources et aux opportunités.
C’est pourquoi il est possible d’aborder ce sujet auprès des enfants et des adolescents : « C’est un âge où on est encore ouvert, on n’est pas encore complètement submergé par les stéréotypes et les caricatures qu’on va apprendre plus tard », dit-elle.
Elle rappelle l’importance de l’éducation dès le plus jeune âge pour briser le cycle de la pauvreté. Elle met en lumière la nécessité d’aborder la pauvreté non seulement comme un problème économique, mais aussi comme un enjeu social et éducatif, ce qui intéressera en premier lieu les travailleurs sociaux.
L’impact des crises
Esther Duflo souligne également l’impact dévastateur des crises mondiales actuelles sur les populations les plus vulnérables. « Le COVID-19 s’est traduit par une augmentation de la pauvreté », dit-elle, ajoutant que la guerre en Ukraine et les crises de dette ont aggravé la situation. L’inflation touche en priorité les plus fragiles car elle s’applique sur les besoins élémentaires : se nourrir, se loger, disposer d’énergie pour les actes de la vie quotidienne…
Les différentes crises se succèdent et s’additionnent. Elles ont un effet multiplicateur sur la pauvreté. Elles exacerbent les inégalités existantes et créant de nouvelles difficultés pour les personnes déjà en situation précaire. Il est donc crucial de comprendre comment ces crises interagissent avec la pauvreté pour pouvoir y remédier efficacement. Le problème est que les solutions sont politiques et demandent des réponses qui engagent les États.
Pour la lauréate du prix Nobel, l’éducation est un outil puissant pour combattre ce fléau. Elle a écrit une série de livres pour enfants pour les sensibiliser aux questions de pauvreté et d’inégalité dès le plus jeune âge. « Ce sont des livres qui ne sont pas du tout misérabiliste ou déprimant », dit-elle, soulignant l’importance de donner de l’espoir et de montrer que des solutions existent. En éduquant la nouvelle génération sur ces questions, nous pouvons espérer créer un monde plus équitable et plus juste.
Pour un nouveau pacte financier mondial
Esther Duflo propose également des solutions plus structurelles. Il faut, dit-elle pouvoir mettre en place un nouveau pacte financier mondial. « Mon estimation du coût de ce qu’on doit au pays du Sud chaque année, c’est 300 milliards de dollars par an », déclare-t-elle.
Pour financer cela, elle suggère une taxation additionnelle de 2 à 3% sur les multinationales. Elles disposent largement des moyens pour le faire. Cette proposition pourrait offrir une nouvelle voie pour aborder la question de la pauvreté à l’échelle mondiale, en garantissant un financement stable et significatif pour les initiatives de réduction de la pauvreté.
La responsabilité des pays du Nord
Dans son interview, l’économiste insiste aussi sur la responsabilité des pays du Nord dans l’aggravation de la pauvreté dans les pays du Sud, notamment à cause du changement climatique. « Ce n’est pas une question de solidarité, c’est une question de responsabilité », dit-elle. Cette perspective met en lumière le rôle que les pays développés jouent dans la perpétuation de la pauvreté mondiale.
Il ne s’agit pas seulement d’un problème « là-bas », mais d’un problème qui nous concerne tous. Nous avons tous une responsabilité. Il ne faut plus détourner nos yeux et ne nous centrer que sur ce qui se passe dans nos frontières.
La pauvreté n’est pas un problème isolé, mais est intrinsèquement lié aux grandes crises mondiales, qu’il s’agisse de pandémies, de guerres ou de crises financières. « Il y a près de 60 pays aujourd’hui qui sont soit dans une crise de dette, soit très proche », souligne-t-elle. Elle rappelle combien la pauvreté est exacerbée par d’autres crises. Cette interconnexion des problèmes mondiaux nécessite une approche holistique pour trouver des solutions durables.
Que faire alors ?
Les solutions proposées par Esther Duflo pour résorber la pauvreté sont multidimensionnelles. Elles vont de l’éducation à la réforme fiscale, en passant par une prise de responsabilité globale. Chacune de ces solutions pourrait être un sujet d’étude en soi, mais ce qui ressort clairement de ses propos, c’est la nécessité d’une approche holistique. La pauvreté est un problème complexe qui ne peut être résolu par des mesures isolées. Seule une stratégie globale, intégrant des solutions à plusieurs niveaux, permettra de relever ce défi.
En adoptant une telle approche, Esther Duflo nous invite à repenser notre manière de combattre la pauvreté. On ne peut la considérer comme un problème isolé. Elle est intrinsèquement liée aux crises mondiales. C’est une invitation à l’action, à la coopération et à la solidarité, des valeurs qui seront indispensables pour construire un avenir plus juste et équitable pour tous. La solidarité internationale n’est pas de mise actuellement sur ce sujet. C’est pourtant dans cette voie qu’il faut aller, même s’il est aussi nécessaire de lutter contre la pauvreté à l’échelle locale en agissant autour de nous.
Ecouter Esther Duflo sur France 24
Photo : Capture d’écran de l’interview d’Esther Duflo sur France 24
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