Les chiffres sont têtus : 15 % des Français n’ont pas accès à Internet, et 28 % d’entre-eux ne sont pas en mesure d’effectuer une démarche administrative en ligne. Pour ces exclus du numérique, il ne reste que la possibilité de contacter les administrations par téléphone. Ils tombent alors sur des plateformes numériques qui sont loin de répondre à leurs attentes. C’est ce que révèle une enquête réalisée par la Défenseure des Droits et l’Institut National de la Consommation qui publie le magazine 60 millions de consommateurs.
Les résultats constatés démontrent que sur les 1500 appels passés, 40% d’entre eux n’ont pas abouti. Il y a des disparités importantes entre les quatre organismes testés : la Caisse d’allocations familiales (CAF), Pôle Emploi, l’Assurance Maladie et la Caisse d’Assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT). La durée moyenne d’attente pour obtenir un interlocuteur est supérieure à 9 minutes. Voilà l’essentiel des résultats :
L’assurance maladie (ameli.fr)
Personne ou presque au bout du fil, explique l’INC dans l’article publié par 60 millions de consommateurs. « 217 coups de fil sur 302 passés n’ont pas abouti, soit 72 % du total. Un appel est considéré comme inabouti après trois tentatives et cinq minutes d’attente à chaque fois. Et quand quelqu’un décroche, seuls 22 % des appels ont reçu une réponse acceptable, et moins de 5 %, une réponse conforme à ce que nous attendions. Ces résultats sont catastrophiques ». Face à cela, Pierre Peix, directeur délégué de l’assurance maladie, explique la situation à la journaliste de France Info : « En 2019, nous gérions un peu moins de 20 millions d’appels téléphoniques par an » dit-il. « En 2020, nous en avons géré près de 40 millions. Il est quasiment impossible de doubler la capacité de réponse de nos centres d’appels. Nous avons 2 000 téléconseillers qui répondent au téléphone sur le 36-46, donc matériellement, cela est impossible ». Il a également souligné que, comme dans tous les secteurs, l’Assurance maladie a des difficultés à attirer et à recruter de nouveaux conseillers.
La caisse d’allocations familiales ( caf.fr)
Sur 408 appels passés, 54 % des appelants n’ont eu personne au téléphone. « L’information attendue a été donnée dans un peu plus de la moitié des appels aboutis. Dans les autres cas, l’agent renvoie le plus souvent au site Internet, y compris les usagers qui précisent ne pas être équipés. De rares fois, l’appelant se voit proposer un rendez-vous à la CAF ou l’envoi d’un dossier papier à domicile. Il a aussi été suggéré de se rendre en mairie ou de faire appel à une assistante sociale qui elle-même devra appeler la CAF ou utiliser sa plateforme en ligne dédiée aux professionnels. (merci les collègues !)
L’assurance retraite (lassuranceretraite.fr)
Sur 412 appels, 72 % ont abouti, ce qui est satisfaisant. Pour autant, un problème demeure et il est récurent : « seuls 23 % des appelants ont reçu l’information attendue. Et ils ne sont que 5 % à avoir obtenu une réponse précise sur l’âge de leur départ. À la question sur les démarches à réaliser pour déposer un dossier de demande de retraite, seules six personnes ont eu la réponse, soit 4 % des appels qui ont abouti ». Un refus de répondre a été opposé à plus des deux tiers des appelants, faute de numéro de Sécurité sociale. Cela fausse les résultats, car il est toujours demandé votre identifiant pour vous répondre.
Pôle emploi
C’est l’organisme qui a obtenu les meilleurs résultats et là le contact s’établit bien. Cela démontre que les services de pôle emploi, contrairement aux autres, ont su prendre en compte ce besoin : « Sur les 410 appels réalisés, 84 % ont abouti et 70 % ont permis d’obtenir des agents les réponses attendues. Six enquêteurs ont même eu une simulation au téléphone. Le reste des appelants ont été renvoyés au site Internet ».
L’accès à l’information reste un parcours du combattant : 5 priorités à engager
Il reste essentiel de prendre en compte les besoins des personnes qui ne sont pas à l’aise avec l’utilisation d’Internet. Pour réduire leur non-recours aux droits, il est nécessaire de leur offrir un service public accessible, rapide et clair, quel que soit le moyen de communication utilisé. C’est ce que préconise la Défenseure des droits dans son communiqué, rappelant ainsi les demandes répétées de cette institution indépendante des pouvoirs en place. Claire Hédon demande
- D’imposer par la loi l’existence de plusieurs modes d’accès aux services publics.
- D’implanter partout en France des guichets de proximité avec un représentant de chaque grand organisme social, des impôts, de Pôle emploi, un travailleur social et un médiateur numérique. C’est la mission des maisons France services. il y en a 2.197 sur tout le territoire, il en faudrait beaucoup plus.
- De prévoir un envoi papier de toute notification d’attribution, de suppression ou de révision de droits. Ce document devrait indiquer les délais et les voies de recours.
- D’utiliser un vocabulaire simple, facile à lire et à comprendre. On en est loin actuellement même si de efforts ont été engagés dans ce sens
- De mettre en place des actions consistant à aller vers les publics les plus éloignés du numérique et donc de l’accès aux droits. C’est le fameux « aller-vers » souhaité par les pouvoirs publics en direction des institutions sociales. Il serait bon que les structures administratives qui font de timides efforts en ce sens, s’y mettent elles aussi.
Sources
- « Ça ne décroche pas tout de suite, alors j’attends, j’attends… » : quand l’accès aux services publics par téléphone ressemble à un parcours du combattant. | FranceInfo:
- Étude sur les plateformes téléphoniques de quatre services publics : 40% des appels n’aboutissent pas | Défenseurdesdroits.fr
- Enquête. Services publics : y’a quelqu’un au bout du fil ? | 60 millions de consommateurs