L’Association Saint-Benoît Labre (ASBL) vient de célébrer ses 70 ans d’existence lors d’un événement marquant qui a réuni 150 salariés, bénévoles et partenaires. Jean François Hivert, ancien directeur du CCAS de Bouguenais en banlieue nantaise, m’a transmis un article qu’il a rédigé en tant que correspondant de presse pour le journal Ouest France. Cet ancien travailleur social a gardé un intérêt certain pour les évolutions des pratiques de travail social. L’article qui suit s’inspire de son écrit initial publié sur le site du quotidien.
Le 14 juin dernier, l’association Saint-Benoît Labre célébrait ses 70 ans d’existence. Ce fut l’occasion pour ses membres de se réunir, regroupant 150 salariés, bénévoles et partenaires. Ils ont évoqué les défis actuels auxquels l’association fait face en tant qu’opérateur majeur des politiques publiques de lutte contre l’exclusion sociale dans le Département de Loire Atlantique.
L’histoire de Saint-Benoît Labre est étroitement liée à l’évolution des politiques sociales au fil des années. Depuis ses modestes débuts en 1953, lorsque quelques bénévoles distribuaient la soupe populaire avec des religieuses, l’association a toujours cherché à répondre aux besoins des publics en situation de grande précarité. Au cours des décennies, elle s’est adaptée pour accueillir et accompagner un nombre croissant de personnes en difficulté, notamment dans le champ de la protection de l’enfance. Elle a mis en place et développé de multiples services. Parmi ceux-ci deux foyers, les premiers CHRS en Loire-Atlantique, ou encore les centres d’accueil des demandeurs d’asile de ce département. Elle s’est aussi investie dans des dispositifs d’accompagnement pour les minorités venues de l’Europe de l’Est.
Cependant, malgré ces réalisations significatives, l’association fait face à l’heure actuelle à des défis croissants. Martine Granier, la nouvelle présidente, a souligné la nécessité de moderniser et de mieux structurer l’association en véritable « entreprise associative », un changement déjà engagé pour répondre aux enjeux actuels.
Une table ronde qui rappelle les difficultés du secteur
Hervé Guéry, directeur du Centre d’Observation et de Mesure des Politiques d’Action Sociale (Compas), avait été invité à apporter des éclairages sur le contexte à venir en matière d’exclusion sociale. Il a souligné que la perspective annoncée du plein-emploi ne doit pas occulter les autres facteurs de précarisation qui peuvent découler des évolutions de la société. Il a ainsi mis en avant plusieurs éléments, notamment la transition numérique qui complique l’accès aux droits sociaux. Il a aussi parlé de l’évolution démographique avec une probable augmentation des petites retraites, l’impact écologique et le renchérissement du coût des produits essentiels. Il n’a pas oublié d’évoquer les mutations du travail, avec notamment le phénomène de l’ubérisation dont le secteur social n’est pas à l’abri.
Pascal Brice, président de la Fédération Nationale des acteurs de la solidarité, a épris la parole lors de la table ronde. Il a mis en garde François Gauthier, commissaire à la lutte contre la pauvreté, contre le risque de bureaucratisation des politiques sociales d’un État affaibli. Pour lui, il est essentiel de respecter ceux qui sont sur le terrain et de leur faire confiance pour relever les défis sociaux actuels. En réponse, François Gauthier a annoncé la nouvelle stratégie de lutte contre la pauvreté et la mise en place d’un plan de concertation prévu pour l’automne prochain.
Christophe Verron, directeur de l’Arifts (Institut de formation au Travail social), a également partagé ses inquiétudes. Elle concerne la professionnalisation dans le secteur associatif. Il a évoqué le défi qui consiste désormais à trouver des étudiants prêts à se former au travail social. Ce sont des métiers difficiles qui peinent à recruter à un moment où les niveaux pré-requis pour se former sont de moins en moins exigeants. Si cette tendance persistait, cela pourrait compromettre la capacité des associations à répondre aux besoins sociaux croissants.
Une note d’espoir fragile
Rémi Olivier, travailleur pair au sein de l’association à Rennes, a témoigné de son parcours. Ayant été accompagné par l’association pour surmonter des difficultés personnelles, il souhaite désormais redonner aux autres ce qu’on lui a apporté.
Le travailleur pair est devenu un nouveau métier du travail social. Il vise à faciliter la relation d’aide entre les publics accueillis et les travailleurs sociaux. Pascal Brice et Hervé Guéry ont tous deux salué cet exemple et appelé à multiplier ce type de pratiques pour aider les personnes à devenir acteurs de leur propre inclusion sociale.
En conclusion, la table ronde a été l’occasion de mettre en lumière les enjeux actuels de la lutte contre l’exclusion sociale. Les participants ont souligné la nécessité d’une approche de l’action sociale ascendante. Elle doit partir du terrain et non l’inverse. Il s’agit de prendre en compte les besoins et les compétences des habitants. Ils ont appelé à une collaboration étroite entre les acteurs associatifs et les pouvoirs publics pour relever ces défis de manière plus efficace. Il y a de nombreux chantiers à mettre en œuvre pour cela.
Photo prise lors de la table ronde est de Jean François Hivert.