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A l’origine du service social : de « la vie des saint(e)s » aux iconoclastes des années 70

Le groupe de recherche et d’étude sur l’histoire du service social (le GREHSS) réalise depuis plusieurs années un important travail de mémoire.  Il a publié sur son site plus de 70 biographies de femmes (et de quelques hommes) qui, dans l’ombre et oubliées par tous, ont créé les premiers services sociaux.

L’histoire de ces femmes est édifiante. Il leur a fallu, pour créer et développer les services sociaux, agir à contre-courant, discrètement souvent. Elles ont mis en place des services d’aide de façon professionnelle pour tenter de répondre aux besoins des plus exclus, aux relégués de la société. À l’époque, personne ne voulait en entendre parler.

La forme moderne de la vie des saints

L’historien et sociologue Henri Pascal président du GREHSS nous explique que les premières cinquante années du XXᵉ siècle, le travail social a été « la forme moderne de la vie des saint(e)s ». Une sacrée formule, pour présenter ces services sociaux construits par « des personnes qui ont des qualités exceptionnelles, qui se sont aventurées dans des zones obscures de la société : les prostituées, les tuberculeux, les enfants abandonnés ». Le travail social a rendu visible des réalités sociales qui étaient cachées dit-il.

Ce travail social là était engagé par des personnes « exceptionnelles ». « On a des « chevaliers blancs » qui vont lutter contre les fléaux sociaux. Des chevaliers blancs qui sont plutôt des chevalières, car elles sont des femmes plutôt que des hommes »… Ce sont des femmes qui ont souvent souffert et qui sont toutes inscrites dans un engagement confessionnel sans pour autat être des religieuses.

Puis le travail social devint « un agent du Capital »

1968 est passé par là. Voici venu le temps des « iconoclastes » avec l’arrivée des sociologues critiques qui ont développé leurs savoirs dans les années 70. « Et là, c’est l’inverse ! » nous dit Henri Pascal « Les « Saints » sont devenus des diables (ou plutôt des diablesses !) ces femmes engagées sont présentées comme des représentantes de la bourgeoisie qui sont là pour endormir la classe ouvrière et la soumettre à l’exploitation. Le travail social est alors présenté comme un « agent du capital » ce courant de pensée avait une revue qui s’appelait « Champ Social » et le livre de Jeanine Verdes Leroux sobrement intitulé « le travail social » dynamitait littéralement la figure des pionnières ».

C’était alors une analyse marxiste des fonctions du travail social qui fut mise en avant. Le travail social est décrit comme un outil de l’appareil d’État, notamment dans sa fonction de « police des familles » pour utiliser les termes de l’époque. Henri Pascal nous précise qu’il y a eu à ce sujet un manque de regard sur les réalités du terrain. On peut effectivement trouver des assistantes sociales issues de la bourgeoisie mais d’autres sont issues de la classe ouvrière ou encore des classes dites « moyennes »

Que penser par exemple des évolutions des positionnements et des rencontres entre militants catholiques telles Madeleine Delbreil qui intervenait dans une municipalité communiste sans que cela pose de conflit idéologique majeur : C’est bien la pratique sur le terrain qu’il aurait fallu regarder à l’époque.

Des femmes tout simplement.

Un nouveau tournant est apparu avec les travaux d’Yvonne Knibiehler  vous trouverez ici « ses apports à l’histoire du travail social » « On a deux choses importantes avec elle : le constat que personne n’avait abordé auparavant, le constat que les assistantes sociales, ce sont les femmes. Tout simplement, comme si cette évidence n’avait pas eu de conséquences. En tout cas, cela n’était pas abordé avant elle. Ce sont pourtant des femmes très engagées qui ont créé et géré les premières années des institutions.

Yvonne Knibiehler a fait le lien entre l’histoire des femmes et l’histoire du service social. Le deuxième point est qu’avec patience, elle a su mobiliser les actrices du travail social de l’époque. Elle a réuni les fondatrices des services sociaux et a recueilli le récit de leur vie professionnelle, mais aussi de réflexions thématiques par exemple sur la formation des travailleurs sociaux.

Le contexte a ensuite changé dans les années 80. Ce sont les années où disparaissent du champ du travail les pionnières qui ont vécu la guerre et la construction des services sociaux, mais aussi des premières pratiques éducatives (pour les éducateurs). La pauvreté redevient visible avec la création des restos du cœur, notamment. On parle alors de crise économique… Les acteurs qui se mobilisent sont des figures médiatiques.

Je m’arrête là aux années 80 la suite est sur cette vidéo que je vous invite à regarder et à écouter jusqu’au bout. Cela vaut bien des cours et les étudiants auront tout à gagner de se saisir de cet exposé et des autres qui sont sur le site du CEDIAS.

Tout cela est passionnant pour qui s’intéresse au sujet. J’espère que cette introduction vous donnera envie d’aller plus loin en découvrant les biographies des pionnières du service social qui sont sur le site du GREHSS

Yvonne Knibiehler que vous pouvez l’écouter dans l’émission à voix nue sur France Culture  sur son parcours et la place des femmes dans la société

 

Photo : Henri Pascal lors de sa conférence au CEDIAS – journée d’étude du GREHSS 14 novembre 2017

note : cet article avait été initialement publié en janvier 2018

 

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Une réponse

  1. Bonjour,
    Merci de rendre accessible cet énorme travail que Henri Pascal mène depuis de longues années. Ce serait intéressant, afin de populariser et de faire connaitre cette histoire sociale au grand public de le rapprocher du travail graphique d’une Pénélope Bagieu qui pourrait mettre en scène et imager le travail social de ces femmes qui se sont révélées « culotées » à une époque. peut etre que cela l’intéresserait.
    Bien à vous
    Mimile

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