Voici des données inquiétantes : 41% des Français déclarent avoir été victimes de cyberviolences et 31% admettent en avoir commis. Les violences en ligne sont un phénomène extrêmement répandu. Selon l’IFOP, qui a étudié le phénomène, elles ont de lourdes conséquences sur la vie et la santé des victimes, parfois jusqu’à la tentative de suicide pour plus d’1 victime sur 10. Pourtant, ces agressions spécifiques restent largement minimisées et impunies. Cette tendance se développe via les réseaux sociaux et certains préfèrent se déconnecter plutôt que de subir des messages agressifs ou insultants.
Les cyberviolences présentent sous de multiples formes : cela concerne les menaces, les insultes, différentes formes d’intimidation mais aussi le harcèlement qui a pour caractéristique de durer dans le temps.
Un phénomène massif…
Plus de 4 Français sur 10 ont déjà été victimes de violences en ligne. Ce phénomène concerne plus particulièrement les 18-24 ans, qui sont 87% à déclarer avoir subi une situation de cyberviolence. Mais ne pensez pas que cela reste cantonné à cette tranche d’âge. L’ensemble de la population française est concernée et les femmes particulièrement. Faut-il s’en étonner ?
Une étude un peu ancienne déjà montre également qu’en Europe, 1 femme sur 5 a subi une forme de violence grave sur internet en raison de son genre depuis l’âge de 15 ans. D’autres chiffres mis en avant par le rapport montrent que les femmes ont 27 fois plus de probabilités d’être abusées en ligne que les hommes, qui constituent 61% des agresseurs. (Ce qui veut dire aussi que 39% sont des femmes).
Mais le sujet d’aujourd’hui concerne surtout les cyberviolences qui prennent leurs sources dans les établissements scolaires.
… dans le monde entier
L’UNESCO avait publié en 2017 un rapport sur la situation de la violence et du harcèlement à l’école dans le monde. Cette année-là, l’organisation internationale évaluait à 246 millions le nombre d’enfants touchés par le phénomène, soit, selon les pays, entre moins de 10 % et 65 % des enfants. Plus récemment, l’UNICEF rapportait qu’un enfant sur trois, dans 30 pays étudiés, disait avoir été victime de harcèlement en ligne.
En France, tous les milieux et tous les établissements sont concernés…
Les collégiens scolarisés en zone prioritaire déclarent plus qu’ailleurs avoir été auteurs de harcèlement (4,4 % contre 2,5 % en France), même si ces données doivent être prises avec précaution. Au niveau de l’OCDE, les élèves scolarisés dans des établissements défavorisés sont généralement, y compris en France, plus susceptibles de se dire victimes de harcèlement que leurs pairs fréquentant des établissements favorisés. Il faut le reconnaître, l’admettre et ne plus le cacher, explique un rapport sénatorial publié le 22 aout dernier.
… mais les jeunes des milieux populaires sont les plus touchés
Un sondage IFOP de mars 2021 sur le harcèlement entre pairs en milieu scolaire souligne que toutes les classes sociales sont touchées, mais que le harcèlement scolaire diminue de façon linéaire avec le niveau de revenu : il concernerait 49 % des Français de « catégorie pauvre » mais seulement 32 % des « hauts revenus ».
À l’école, un phénomène de groupe au mépris des différences
Une des explications la plus évidente du harcèlement est que le groupe supporterait mal la différence qui existe entre lui et un élève qui se distingue par sa différence. Cette différence serait à l’origine d’une peur de l’inconnu, qui susciterait alors un réflexe de protection passant par l’exclusion de l’autre et se concrétisant par le harcèlement. Le groupe, dont les membres peuvent rester témoins ou bien se joindre au harceleur, peut se transformer en « meute ».
La moindre différence, quels que soient l’élève ou le groupe, peut devenir prétexte à harcèlement. Toute différence physique (poids, taille, couleur de cheveux ou de peau), vestimentaire, religieuse ou d’orientation sexuelle paraît constituer une source d’insécurité pour celui qui l’observe et peut entraîner une réaction de harcèlement. Ainsi que le relevait Éric Debarbieux lors de son audition devant les sénateurs, « des groupes s’identifient contre celui ou celle qui n’en fait pas partie, qui a des différences – réelles ou fabriquées pour rejeter. ».
Dans une logique similaire, les enfants particulièrement vulnérables sont plus souvent victimes du harcèlement que les autres. Ainsi, les enfants plus petits, plus faibles, timides, dépressifs et peu sûrs d’eux-mêmes sont plus fréquemment victimes, explique la Défenseure des droits Claire Hédon. Il en va de même des élèves en situation de handicap, qui sont plus nombreux que les élèves « ordinaires » à se dire victime de harcèlement (8 % contre 5,3 % et, pour les filles, 9,2 % contre 5,5 %), selon une enquête HBSC évoquée par le Comité consultatif national des personnes handicapées. Il s’agit, avec l’enjeu croissant du cyberharcèlement, d’un point de vigilance à souligner.
Enfin, on ne le dit pas non plus, mais les enfants issus de l’immigration sont plus souvent exposés aux situations de harcèlement scolaire. La vulnérabilité, au-delà de la différence qu’elle manifeste, facilite le passage à l’acte de l’agresseur : il est plus aisé de s’attaquer à une personne sans défense et silencieuse. Elle rend difficile une réponse adéquate de la victime et affaiblit sa résilience, qu’il importe de développer grâce au soutien renforcé d’une communauté éducative attentive et, autant que possible, de camarades bienveillants.
Mais alors comment agir ?
Les professionnels de l’enfance et de l’adolescence ne peuvent ignorer ce phénomène. Quand un jeune se plaint, ce n’est pas toujours qu’une affaire de gosses dans la cour de récré. Justement, il est nécessaire pour les adultes de prêter une oreille attentive aux enfants qui s’expriment. Car le problème est qu’il y a toutes celles et tous ceux qui ne disent rien et qui souffrent en silence. Cette réalité est généralement soustraite et hors de portée de la vigilance des adultes
Les chefs d’établissements sont invités à développer des points de soutien aux éventuelles victimes. Il existe un réseau de 335 référents « harcèlement » dans les académies. La Justice, la Police/Gendarmerie et le rectorat, dans l’académie de Paris et dans celle de Nantes ont signé un protocole d’intervention qui défini les places et rôles de chacun. Ces documents permettent de renforcer les liens entre les différentes institutions et de faciliter les contacts en cas de problème. En outre, ils constituent d’utiles éléments pédagogiques pour accompagner les chefs d’établissement et la communauté éducative.
Le site Magic Maman apporte quelques pistes sur ce que les parents devraient faire. Au-delà, l’écoute de leurs enfants qui est essentielle, les parents doivent pouvoir collecter toutes les preuves du harcèlement en ligne, types SMS, messages sur un mur Facebook, photos dégradantes, etc. ». En effet, ce sont des éléments clés qui témoignent des violences en ligne subies par l’enfant. Ils permettent de porter plainte ou du moins de saisir les services de police et de gendarmerie. Bien évidemment, avant d’aller à la plainte, il faut rapidement saisir l’institution scolaire.
Il est aussi important dans un second temps de faire effacer les traces et dont les messages insultants qui continuent de harceler le mineur dès lors qu’il consulte son compte internet. Le site e-enfance.org apporte des éléments sur ce qu’il faut faire :
Si la potentielle victime -votre enfant – refuse de vous en parler, vous pouvez :
- L’inciter à parler à un autre adulte de confiance : dans sa sphère privée, un membre de la famille ou de son cercle amical ; et à l’école, le CPE, l’assistant d’éducation, l’infirmière, un professeur…;
- Si le cyberharcèlement a lieu entre élèves d’un même établissement, lui rappeler qu’il peut aussi en parler à un autre élève dont il est proche qui pourra le soutenir dans sa démarche ;
- Contacter directement le chef d’établissement pour faire un point sur la situation.
Si vous constatez que votre enfant est victime de cyberharcèlement, il vous faut :
- Garder des preuves (faire des captures d’écran, avec son ordinateur, tablette ou avec son téléphone) ;
- Faire un signalement en ligne pour stopper la diffusion du contenu inapproprié (les réseaux sociaux proposent de signaler de manière anonyme un contenu ou un utilisateur abusif) ;
- Bloquer les auteurs dans ses contacts, sur les réseaux sociaux, messageries
- Porter plainte si cela s’avère nécessaire (le 3018 peut vous y aider).
Dans tous les cas, si le harcèlement est avéré, une évidence est rappelée, n’utilisez en aucun cas la violence. Cela risquerait d’aggraver la situation plus qu’autre chose. Enfin, si vous connaissez un enfant qui se dit témoin d’un cas de cyberharcèlement entre élèves et vous en fait part, il est primordial d’alerter immédiatement l’établissement scolaire afin qu’il puisse intervenir.