Nous sommes nombreux en tant que travailleur social, à avoir été confronté un moment ou à un autre à une révélation d’abus sexuels lors d’un entretien avec un enfant, ou un adolescent. Comment en parler avec lui ? comment ne pas se laisser envahir par ses propres émotions ? C’est une question à se poser, car souvent, lorsque l’enfant vous parle, il peut vous livrer à travers son expression des faits difficiles à croire ou à accepter. Voici quelques conseils issus de ma pratiques, des différentes formations que j’ai pu suivre, et de l’expérience de mes collègues de secteur…
Pourquoi se fait-il que lorsque nous rencontrons certains enfants, nous avons en tête en observant leur comportement qu’ils sont peut-être victimes d’abus sexuels ? Rien ne l’indique explicitement, mais il y a un somme de petits faits, des expressions, des signes qui nous sont transmis qui nous conduisent à vouloir sérieusement explorer cette hypothèse.
Au départ, ce sont souvent des signes diffus qui nous mettent sur cette piste alors que nous cherchons à comprendre ce qui se passe. Voici quelques éléments que j’ai pu constater à travers plusieurs situations qui, toutes sont différentes, mais ont finalement abouties à des informations qui se sont ensuite révélés exactes.
1. Si nous avons en tête « abus sexuel possible » il faut tenter d’identifier ce qui nous fait penser cela ( à défaut de le dire ). Cela commence souvent par ces petits riens qui mis bout à bout peuvent nous mettre mal à l’aise. Une attitude sexualisée de l’enfant, telle gamine habillée ou maquillée comme une « lolita » qui tente de séduire son interlocuteur. Ce sont des enfants qui sont de petits adultes qui ne sont pas du tout leur place d’enfant, leur père ou leur mère est souvent plus perçu comme un copain ou une copine. Cela peut aussi être des parents ou un membre de la famille qui « sexualisent » leurs propos lorsqu’ils parlent de leur garçon, ou de leur fille. Comme si d’ailleurs votre interlocuteur testait votre réaction. Vous quittez les entretiens avec une drôle d’impression, un sentiment de malaise… échanger en équipe reste délicat à cette étape car il ne faut pas pour autant s’autopersuader en faisant référence à des situations déjà rencontrées.
2. L’enfant ou l’adolescent peut aussi se plaindre de symptômes qui croisés avec les éléments précédents peuvent renforcer cette hypothèse. Je repense à cette jeune fille qui m’explique qu’elle a mal quand elle va aux toilettes et son impossibilité d’aller en visite chez ses parents, et de sa mère qui refuse de l’accueillir parce que le beau père est là est qu’il ne faut pas l’énerver… ou encore de cette ado qui se plaignait sans cesse d’avoir mal au ventre. Elle était allée voir plusieurs médecins avec ses parents et non, décidément, personne ne comprenait d’où pouvait venir ce malaise qui durait depuis plusieurs mois. Il y a aussi des changements d’humeurs importants chez le (la) jeune. De l’agressivité, l’arrêt de relations avec certaines copines, un fort isolement, ou l’inverse, une exubérance surprenante, anormale pourrait-on dire (mais qu’est qu’aujourd’hui la normalité ?). Il y a souvent aussi une chute soudaine des résultats scolaires. Les enseignants ne comprennent pas ce qui se passe pour tel élève. Ils avaient à faire avec une élève studieuse, la voici en permanence perdues dans ses pensées. Elle est « ailleurs ». On mettra cela sur l’adolescence même si ce n’est pas vraiment le cas. Et puis il y a ces jeunes qui vous posent des questions assez précises autour de l’acte sexuel. La pudeur est là, mais malgré cela, les questions arrivent. Cela ne vient que lorsque celui ci ou celle ci commence à vous faire confiance. Il testera auparavant pour savoir si vous pouvez être quelqu’un de fiable et de cohérent, à l’aise avec ces questions…
La somme des faits observés et objectivés vous conduisent alors à en parler à l’équipe en tentant de préciser ce qui vous met sur ce chemin. il est alors possible que parfois, une collègue vous confirme avoir aussi eu ce doute lorsqu’elle a rencontré la même personne… Elle peut tout autant infirmer votre hypothèse. Dans les 2 situations il est utiles de continuer son intervention même sur nous sommes sur du « non-dit »
3. Il ne faut pas être mal à l’aise avec ce sujet. Facile à dire sans doute, mais les formations sont là pour objectiver votre propre rapport à l’abus sexuel : est ce que le fait d’y penser provoque en vous une forte émotion ? Avez-vous des idées précises sur ce sujet ? Il est normal qu’un temps de sidération vous envahisse au moment d’une révélation au point que la mémoire puisse nous jouer des tours. Que m’a dit l’enfant exactement ? Est ce que j’ai bien les mots qu’il utilisé en mémoire ? que veut il me dire avec son dessin ou le rêve qu’il raconte ? Il faut pouvoir passer à l’écrit en tentant de déformer le moins possible ce qu’il dit.
4. Ne pas conduire un interrogatoire en tentant d’amener l’enfant là où l’on souhaite inconsciemment qu’il aille. Nous savons combien sa suggestibilité est importante. Il est nécessaire de pouvoir garder une attitude neutre et bienveillante. Là aussi, c’est plus facile à écrire qu’à réaliser sans doute. Je me rappelle combien la formation ‘ »l’entretien avec l’enfant » avait pu m’être utile sur ce sujet. Cela me permet de vous rappeler qu’une bonne formation sur ce sujet vaut tout les discours même si c’est la pratique qui permet d’avancer. Certains services spécialisés à l’hôpital mais aussi en police et gendarmerie maîtrisent particulièrement bien ce type d’entretien si particulier qui nécessite beaucoup de tact et de technique.
5. Ne pas se laisser enfermer dans le secret imposé par celui qui parle. Si vous êtes devenue le ou la confidente de l’enfant ou de l’adolescent, il peut tenter de vous imposer de garder avec lui ce qui le tourmente, la main baladeuse de l’abuseur, les visites nocturnes dans sa chambre, les caresses imposées. Il nous faut toujours nous demander si notre silence permet que les faits puissent continuer et si le risque d’un renouvellement est présent. La peur de trahir l’enfant ou le jeune est un facteur de paralysie du professionnel. Or si la victime vous a confié un secret, c’est bien pour que vous en fassiez quelque chose. Il est important qu’elle sache bien quelles sont vos fonctions, ce que vous faites généralement face à de telles situations. Souvent cet enfant à aussi peur que vous, même plus, des conséquences de sa parole. Il peut être terrorisé par les effets que peuvent provoquer son témoignage. Très souvent il sera « clivé ». Il aura construit 2 facettes de sa personnalité. Celle normative de la vie quotidienne, et celle, cachée de la victime qui subit les pires outrages. Tout cela est très délicat et difficile à prendre en compte.
C’est pourquoi la formation est essentielle sur ce sujet. Vous pouvez aussi prendre connaissance de cet article : « Parole de l’enfant et parole à l’enfant en justice » ou encore « allégations d’abus sexuels, paroles d’enfants, paroles d’adultes » sans oublier l’article de notre collègue Jacques Trémintin « Le collectif JAMAC : Pour un accueil respectueux de la parole de l’enfant«
photo : Enrique Saldivar Punishment Prise le 14 octobre 2008 Certains droits réservés
Une réponse
Ancien Travailleur Social , puis Médiateur , cela aujourd’hui me ramène ,au Projet de loi : » Violences sexuelles : de Mme Marlène SCHIAPPA Secrétaire d’état à l’egalité -Femmes-Hommes – La question du non – consentement pour les moins de 15 ans .Son Article 2 qui se penche sur les abus sexuels sur des mineurs de moins de 15 ans , est au coeur des critiques . Ce projet de loi est loin de faire l’unanimité . GR UFF 34 http://www.uniondelafranceforte.org – uffo34h@gmail.com