L’avis de la Défenseure des Droits sur le projet de loi relatif à la protection de l’enfance

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Auditionnée par la commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale sur le projet de loi relatif à la protection des enfants, Claire Hédon, défenseur des droits a exprimé un avis particulièrement intéressant qu’il est utile de connaitre. Ses arguments intéresseront particulièrement les travailleurs sociaux en charge de cette mission ainsi que les responsables des services de l’Aide Sociale à l’Enfance. Ce projet rappelons-le sera examiné en première lecture à l’Assemblée nationale la première quinzaine de juillet.

 

Que nous dit la Défenseure des Droits ? Elle argumente en quatre points les éléments à retenir. Il y a

  • Les apports du projet de loi
  • De nombreuses réserves
  • Plusieurs dispositions particulièrement inquiétantes
  • Des oublis majeurs

Les apports du projet de loi

Les mesures en faveur de la PMI étaient nécessaires : les dispositions du texte témoignent d’une « prise de conscience du Gouvernement sur l’état général de la PMI en France et le danger qui la guette ». Le texte du projet de loi prévoit un remboursement de tous les examens pratiqués par tous les professionnels de santé de PMI. Cette meilleure couverture par l’assurance maladie ne peut qu’être saluée

L’article 4 du projet de loi prévoit un meilleur contrôle des personnels amenés à intervenir au sein des établissements, y compris à titre bénévole. Claire Hédon salue cette extension du contrôle des antécédents des personnes qui interviennent auprès de l’enfance protégée. Mais précise-t-elle, « Ces  dispositions doivent s’appliquer y compris aux établissements hôteliers et à leurs personnels, puisque le Gouvernement a fait le choix de ne pas interdire ce type d’accueil »

Elle salue également le fait  projet de loi insère dans le code de l’organisation judiciaire un nouvel article ainsi rédigé : « En matière d’assistance éducative, si la particulière complexité d’une affaire le justifie, le juge des enfants peut ordonner son renvoi à la formation collégiale du tribunal judiciaire qui statue comme juge des enfants. La formation collégiale est présidée par le juge des enfants saisi de l’affaire ». La Défenseure des droits approuve cette disposition car « elle ne peut que contribuer à une meilleure appréhension de la situation des enfants et des complexités familiales par l’autorité judiciaire ». Elle indique aussi qu ce projet de loi devrait être l’occasion de prévoir la possibilité pour le juge des enfants de désigner d’office un avocat pour un mineur, même si ces jeunes ne sont pas en capacité de faire preuve de discernement.

Sur la règlementation des établissements relevant de la protection de l’enfance, Claire Hédon est plus mitigée. Elle appelle le Gouvernement à publier un décret aussi rapidement que possible pour fixer les conditions techniques minimales d’organisation et de fonctionnement des établissements (taux d’encadrement des jeunes accueillis par les professionnels et diplôme des encadrants).

Elle soutient aussi la valorisation du métier d’assistant familial. Ce n’est pas une surprise. Sur ce sujet elle insiste sur deux points

  • Il est important pour les services de s’interroger sur l’âge de l’enfant par rapport à l’âge de l’assistant familial au moment où l’enfant va lui être confié
  • Il est nécessaire d’apporter aux assistants familiaux une formation, initiale et continue, à la prise en charge des enfants en situation de handicap.

 

La Défenseure des droits se réjouit aussi de constater que les dispositifs créés en vue de l’accueil d’urgence des Mineurs Non Accompagnés (MNA) sont désormais expressément mentionnés dans la loi comme étant des « établissements et services sociaux et médico-sociaux », les soumettant ainsi aux dispositions protectrices du Code de l’Action Sociale et des Familles.

Les réserves de la Défenseure des Droits

La gouvernance de la protection de l’enfance : La Défenseure des droits tient à rappeler à quel point les   attentes du terrain en la matière sont pressantes. Les ruptures dans les parcours de santé, de protection, d’éducation, du fait des organisations en silos des institutions, sont une réalité, maintes fois dénoncées. Or le projet de loi ne peut que laisser perplexe quant à la simplification de l’architecture proposée et à son opérationnalité sur les territoires. La Défenseure des droits rejoint le Conseil d’Etat qui souligne dans son avis, que « les objectifs poursuivis ne pourront pas être pleinement atteints par cette réforme organisationnelle ».

La Défenseure des droits est réservée sur la modification de l’article 375-3 du code civil.  Celui-ci empêche le juge des enfants d’ordonner un placement si le service compétent n’a pas évalué la possibilité d’un accueil en famille ou par un tiers digne de confiance. Un défaut d’encadrement de ces dispositions  pourraient avoir comme conséquence de maintenir l’enfant dans sa famille en attendant l’évaluation des services compétents, sans que ces derniers ne soient clairement identifiés.

Sur l’article 2 du projet de loi : celui-ci vise à permettre au juge des enfants de délivrer une autorisation au service gardien (aide sociale à l’enfance) pour réaliser « un ou plusieurs actes déterminés » qui nécessitent normalement l’accord des titulaires de l’autorité parentale. Claire Hédon explique qu’il y a un risque. En effet, les services peuvent être tentés d’avoir recours à ce type de demande, faute de travail suffisant avec les parents. la Défenseure des droits rappelle à cette occasion l’importance du travail avec les familles.

Une disposition de la loi prévoit une clé de répartition des MNA sur les territoires. La Défenseure des droits déplore que ne soit toujours pas envisagé de tenir compte, dans le système de répartition nationale, du nombre de jeunes qui se présentent spontanément pour un accueil et une évaluation dans les départements afin d’éviter de pénaliser les départements où arrivent un grand nombre de jeunes exilés primo-arrivant. Par ailleurs, la Défenseure des droits souhaite rappeler que les orientations sur le territoire français décidées par les magistrats (procureur de la République ou juge des enfants) doivent s’opérer dans le strict respect de l’intérêt supérieur des enfants.

Les dispositions de la loi qui inquiètent la Défenseure des Droits

Sur les hébergements hôteliers : Si la Défenseure des droits ne peut que se réjouir de l’interdiction de principe de l’hébergement des mineurs dans des structures de type hôtelier ou de loisir, elle se déclare très inquiète des exceptions prévues par le texte. Ainsi, le recours à ces structures reste possible pour des accueils en urgence ou des « mises à l’abri » de mineurs. Cela risque de ne pas régler ce problème. Elle rappelle avec vigueur la nécessité de se conformer aux règles internationales  visant l’interdiction totale du placement  hôtelier ou dans toute autre structure qui ne relèverait pas des garanties prévues par le code de l’action sociale et des familles, y compris dans le cadre de l’accueil provisoire d’urgence.

Les mineurs non accompagnés (MNA) et l’article 15 du projet de loi qui les concerne : la Défenseure des droits  s’interroge sur la place de ces dispositions dans un projet de loi qui se réclame de protection des enfants et fait part de ses profondes inquiétudes quant aux dispositions contenues dans cet article, qui tendent davantage à traiter du contrôle migratoire qu’à une réelle amélioration de la protection des mineurs non accompagnés.

Claire Hédon rappelle aussi la nécessité de ne pas utiliser plusieurs fichiers prévus par la loi dans un but de contrôle des mineurs : « La Défenseure des droits ne peut que déplorer qu’une fois de plus, le texte ne consacre pas la présomption de minorité telle qu’elle est pourtant affirmée par le Comité des droits de l’enfant des Nations-Unies dans son interprétation des dispositions de la CIDE. Elle désapprouve la nouvelle rédaction de la loi qui prévoit l’obligation pour le département d’organiser « la présentation de la personne auprès des services de l’Etat afin qu’elle communique toute information utile à son identification et au renseignement ».

Enfin la Défenseure des Droits fait état d’oublis considérés comme majeurs

Rapidement dit il manque des dispositions sur :

  • La possibilité de rendre effectif le projet pour l’enfant
  • La prise en compte de la parole de l’enfant
  • La situation des jeunes majeurs issus de l’ASE « oubliés » par ce texte.
  • Le respect des droits des enfants de nationalité étrangère
  • La situation des enfants enfermés dans les centres de rétention administrative ou les zones d’attente

 

Sur ce dernier sujet, la Défenseure des droits recommande au Gouvernement et au Parlement de faire évoluer la législation, conformément à la Convention relative aux droits de l’enfant, pour proscrire, dans toutes circonstances, le placement de familles avec enfants en centre de rétention administrative et en zone d’attente.

Photo : Claire Hédon, Défenseure des Droits hier dans les locaux d’IdealCo

 

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Une réponse

  1. Merci à Claire Hédon d’avoir commenté le projet de loi sur la protection de l’enfance, d’avoir émis des réserves sur certains articles concernant les placements d’enfants, les hébergements des mineurs non accompagnés.. d’avoir rappelé la nécessité de formation des assistants familiaux, de rendre effectif le Projet Pour l’enfant , d’entendre la parole de l’enfant individuellement et de lui proposer un avocat.

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