Le Social impact bond, une façon de financer des programmes d'action sociale qui laisse songeur…

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Nous le savons tous, l’Etat cherche à tout prix à faire des économies. Pour cela il met en avant des outils de financement qui souvent se révèlent beaucoup plus chers pour lui que ce qui est prévu initialement. Cela a pu être constaté avec les « partenariats public-privé (PPP) » qui profitent au privé bien plus qu’à l’Etat. Cela se mesure aussi avec les délégations de services publics (gestion de l’eau, du stationnement..), les concessions, la privatisations de service comme c’est le cas pour les autoroutes. Aujourd’hui, c’est l’action sociale qui est inscrite dans un processus financier faisant appel à l’initiative privée avec les  « social impact bonds«    

Comment cela fonctionne ? Cette démarche s’appuie d’abord sur un postulat :  Le secteur social doit désormais prouver son efficacité face à certains problèmes sociaux identifiés. Si les réponses apportées se révèlent efficace, elles doivent permettre  de réaliser des économies à la collectivité. Les résultats doivent donc être facilement quantifiables et mesurables pour permettre de rémunérer l’investisseur qui a accepté de prendre des risques.

La « rentabilité » du service social se vérifie déjà  dans les services sociaux d’entreprises. Par exemple, le reclassement professionnel de certains salariés en difficulté  ou la reconnaissance d’un handicap, les actions de prévention qui permettent de diminuer les arrêts de travail sont depuis longtemps des arguments développés par certains services sociaux qui trouvent ainsi une forte légitimité et une certaine reconnaissance de leur efficacité au sein de l’entreprise. De nombreuses  actions qui favorisent le « bien être » au travail contribuent à améliorer la productivité au sens large du terme. Mais nous ne sommes pas là dans des programmes d’investissement issus du privé. Le service social du travail reste d’abord et avant tout au service du salarié, sa présence au sein de l’entreprise est inscrite au sein du code du travail.

Le contrat à impact social également connu comme un Pay for Success Bond [1] ou une prestation de lien social 2,  est bien un contrat dans lequel un engagement est pris de payer pour améliorer la situation sociale qui doit aussi se traduire par des économies à réaliser dans le secteur public. Le terme a été inventé par Geoff Mulgan, chef de la direction de la Young Foundation. [3] Le premier Bond Impact Social a été lancé par la société britannique Social Finance Ltd. [4] en Septembre 2010. [5] 

Le gouvernement a donc choisi de permettre à des investisseurs privés de financer des programmes proposés par des « entrepreneurs sociaux« . Si le programme donne de résultats qui permettent à l’Etat de faire des économies, celui-ci rémunère les investisseurs  de façon suffisamment importante pour qu’ils acceptent de « courir le risque » de leur placement. En effet si le résultat n’est pas au rendez-vous, le financeur peut perdre sa mise et là, il aura  perdu son investissement initial. Ces «obligations à impact social» ont pour objectif d’être rentables au sens économique du terme. Ils doivent rapporter de l’argent à celui qui investit de l’argent sur des actions menées par des travailleurs sociaux.

Les plus libéraux applaudissent des 2 mains et pensent qu’il y a là une solution efficace aux problèmes de financement public de l’action sociale. Ainsi René Karsenti, Président d’International Finance Facility for Immunisation et Président de International Capital Market Association (ICMA), l’organisation professionnelle mondiale des Institutions Praticiennes des Marchés de Capitaux Internationaux défend avec conviction cette approche de résolution des problèmes sociaux.

Jean Dumonteil qui anime un blog « extraterritorial » estime que « Cet instrument d’accélération de l’innovation sociale pourrait rendre de grands services aux conseils départementaux qui portent des politiques sociales lourdes dont les résultats ne sont pas aujourd’hui évalués. Insertion, politique de santé publique et de prévention, accompagnement des personnes âgées, le champ est immense pour renouveler les pratiques et inventer de nouvelles politiques sociales mieux adaptées et plus efficaces. »

Enfin l’Etat par la voix de Martine Pinville, secrétaire d’Etat chargée du Commerce, de l’Artisanat, de la Consommation et de l’Economie sociale et solidaire est tout aussi enthousiaste. Elle estime qu’il s’agit là  « d’une mesure de progrès, une mesure qui donne plus de moyens aux acteurs sociaux pour agir et une mesure qui apporte plus de solidarité au sein de la société ».

Mais  que penser de cette façon de penser ? Remarquons simplement que ce mode de financement est considéré comme une garantie  d’obtenir des résultats qui ne peuvent être atteints aujourd’hui. Le langage utilisé est celui de la finance et du business. Nous sommes donc désormais inscrits dans le monde des affaires et il n’est pas certain que ce monde là fasse vraiment des affaires avec l’exclusion sociale, la pauvreté, la précarité ou encore la protection de l’enfance. Et si elle en fait, n’y a-t-il pas au moins une question éthique à se poser ?

Pour ma part je demande à voir ce que cela peut donner dans le réel du quotidien des personnes exclues et dans celui des travailleurs sociaux. Cette nouvelle façon de financer l’action sociale ne me parait pas « très inspirante » (pour reprendre un terme très utilisé lors des états généraux du travail social). Non, vraiment là, cette forme de financement,  ne m’inspire pas. Il me faudrait du temps pour argumenter sur ce sujet. Mais est ce vraiment nécessaire ?

 

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